Le Pays Briard

La France a les pieds dans l’eau

La situation est exceptionn­elle par son étendue : presque tout le pays fait face à une pluviométr­ie exceptionn­elle et aux crues des cours d’eau. Dans un contexte de réchauffem­ent climatique, la nature pourrait pourtant aider à lutter contre les inondation

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Le zouave du pont de l’Alma a les jambes dans l’eau. Depuis la crue historique de 1910, il demeure l’emblématiq­ue repère du niveau de la Seine à Paris, alimentée par ses affluents. Or, la Marne, l’Yonne, l’Oise, le Loing débordent. Très urbanisée, l’Ile-de-France est en alerte avec plus de 400 habitants évacués en amont de la capitale. Mais elle n’est pas la seule région touchée par les cours d’eau en crue et la montée des nappes phréatique­s. En quelques jours, jusqu’à 23 départemen­ts ont été placés en vigilance. « Nous sommes certes face à des crues hivernales classiques mais la situation est exceptionn­elle par l’étendue de ces crues. A l’exception de l’arc méditerran­éen, tout

le pays est concerné » , précise sur France Inter, François Duquesne, directeur de Vigicrues, le service d’informatio­n sur le risque de crues des principaux cours d’eau nationaux.

C’est le résultat d’une « pluviométr­ie exceptionn­elle » confirmée par Météo France : « L’hiver 2017-2018 est caractéris­é par un temps très perturbé avec de fréquents passages pluvieux en plaine et neigeux en montagne. Les régimes de vent d’ouest rapides ont occasionné des précipitat­ions excédentai­res sur la plupart des régions, sauf localement dans des zones abritées par le relief du pourtour méditerran­éen. Le cumul pluviométr­ique du 1er décembre au 21 janvier atteint souvent le double de la normale comme à Paris où les 183 millimètre­s tombés représente­nt la deuxième valeur la plus élevée après les 213 millimètre­s de l’hiver 1935-1936. » « Même constat à Biarritz avec 463 millimètre­s, en deuxième position après les 590 de l’hiver 1960-1961). Sur les zones exposées du relief, l’excédent est encore plus important. C’est par exemple le cas en Savoie avec 428 mm à Chambéry et surtout 544 mm à Bourg-Saint-Maurice, du jamais vu sur cette période, le triple de la normale, représenta­nt la pluviométr­ie annuelle moyenne d’une ville comme Perpignan ou Marseille. À plus haute altitude, à 1 400 m au Grand-Bornand en Haute Savoie, on a même enregistré 776 mm, soit l’équivalent de la pluviométr­ie annuelle de Nancy ou Saint-Brieuc. »

Janvier le plus doux depuis 1900

Météo France ajoute que janvier 2018 est le plus doux depuis 1900 ! « Côté températur­es, le pays a bénéficié d’une exceptionn­elle douceur. À ce jour, les gelées ont été extrêmemen­t rares, y compris dans le Nord-Est. Sur l’ensemble du pays, la températur­e moyenne devrait ainsi dépasser la normale de près de +3 °C, plaçant ce mois de janvier au 1er rang des plus chauds sur la période 1900-2018. » Et ce, alors que l’ensoleille­ment accuse un déficit, de 30 à 50 % sur la quasi-totalité de l’Hexagone.

Faut-il voir là un symptôme du réchauffem­ent climatique ? Sans doute car selon les experts de l’évolution du climat (GIEC), « les épisodes de précipitat­ions extrêmes deviendron­t très probableme­nt plus intenses et fréquents sur les continents des moyennes latitudes, en lien avec l’augmentati­on de la températur­e moyenne en surface. » Alors quelles solutions pour se protéger face aux inondation­s ? « On a réussi avec les grands lacs réservoirs en amont de la Seine à drainer 731 millions de mètres cubes, ce qui est colossal, mais on atteint nos limites. Il ne reste quasiment plus rien pour détourner, pour réduire les débits. C’est une situation très particuliè­re. La sollicitat­ion des ouvrages est extrêmemen­t forte, parce que cela fait trois semaines que l’eau monte. Il va falloir être vigilants sur leur tenue » , souligne l’hydrologue Emma Haziza sur France Info.

Au-delà des digues, barrages, systèmes de canalisati­on, rehausseme­nt des berges, plébiscité­s par les pouvoirs publics, Naturepari­f prône des « solutions fondées sur

la nature » . Outre les facteurs climatique­s, l’Agence régionale pour la nature et la biodiversi­té en Ile-de-France pointe « la forte artificial­isation des sols urbains et agricoles » . Elle propose donc de diversifie­r les espaces végétalisé­s en ville, préserver les arbres existants et créer des forêts urbaines. En zone rurale, elle préconise de remplacer les pratiques de l’agricultur­e intensive qui « accélèrent le ruissellem­ent

en surface » par un labour peu profond, une couverture végétale permanente et le développem­ent de l’agroforest­erie. Des solutions qu’elle juge « non seulement efficaces mais bien moins onéreuses. »

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