Le Pays Briard

« Je remercie ma gynécologu­e d’avoir pris des risques pour moi »

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En 2013, Christelle a avorté hors délai. Une pratique illégale que sa gynécologu­e a pourtant accepté de pratiquer. Onze ans plus tard, la Seine-et-Marnaise salue le geste militant de sa médecin.

« J’étais déterminée à avorter, j’allais donc le faire. Je n’ai pas versé dans le sentimenta­lisme, ce n’était pas un bébé que j’avais dans le ventre. »

Il y a 11 ans, Christelle* a avorté seule, sans prévenir son mari, avec qui elle avait déjà deux enfants. C’était en avril 2013, elle avait 35 ans. « Ce n’était pas prévu, c’était un oubli de pilule, racontet-elle. Il y avait des chances pour qu’il veuille le garder, mais pour moi, c’était hors de question. Il ne s’occupait déjà pas de nos deux enfants… Ce n’était pas concevable d’en élever un troisième. »

Militantis­me et IVG clandestin

Son gynécologu­e, qui la suivait depuis 18 ans, lui explique alors qu’il ne pratique pas l’IVG. « Je voulais aller vite, car je ne savais pas depuis quand j’étais enceinte. J’ai donc fini par trouver une autre gynéco, en Essonne. Elle m’a prise en rendez-vous dans la même journée, alors qu’elle ne me connaissai­t pas. Je lui ai expliqué ma situation, et c’est là qu’elle m’a annoncé que j’étais hors délai pour avorter par cachets… »

Christelle ne se souvient pas exactement de combien, mais depuis plus d’un mois, au moins** : « Je pouvais encore me faire opérer, mais mon ex-mari (ils sont aujourd’hui divorcés, ndlr) l’aurait su, poursuit-elle. Je voulais faire ça le plus discrèteme­nt possible. »

Devant sa déterminat­ion, la praticienn­e va alors lui proposer d’outrepasse­r la loi : « Elle m’a dit “Ok, on va le faire, mais je ne veux pas de procès ”. Elle m’a raconté que c’était une gynéco militante, qui pratiquait des IVG clandestin­s dans les années 60 (l’IVG sera dépénalisé­e en 1975, ndlr), qu’elle n’avait jamais eu de problème et qu’elle ne voulait pas en avoir. Je le lui ai promis. »

« J’ai avorté avant d’aller bosser »

Christelle avale le premier cachet, puis le deuxième, 48 h plus tard. « J’ai avorté avant d’aller bosser, lâche-t-elle. Mon ex-mari est parti travailler, et dès qu’il a fermé la porte de la maison, j’ai avalé le 2e cachet. Je me suis vidée de mon sang, j’ai cru que j’allais crever, mais j’ai repris le cours de ma journée. »

À l’angoisse d’être hors délai et d’avoir à gérer une grossesse non désirée, succède alors « un soulagemen­t » : « Je ne sais pas ce que j’aurais fait de cet enfant, je n’en voulais vraiment pas, ma vie profession­nelle était lancée et j’étais déjà épuisée par l’éducation de mes deux enfants en bas âge, assume aujourd’hui Christelle. Je remercie cette gynécologu­e d’avoir pris des risques pour moi. »

Avant de conclure : « Il vaut mieux un bébé qui ne naît pas, qu’un bébé qui grandit malheureux. »

*Le prénom a été changé **L’IVG médicament­euse est pratiquée jusqu’à la fin de la 7e semaine de grossesse. L’IVG chirurgica­le, elle, peut être pratiquée jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse

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