Bientôt des péages sur des routes nationales ?
Des péages sur les routes nationales ? Une nouveauté qui sera expérimentée pendant 8 ans, mais qui soulève déjà les critiques de certains députés, dont Antoine Léaument (LFI), qui a lancé une pétition à ce sujet.
« Les autoroutes, ça ne leur suffit pas pour faire du fric sur le dos des automobilistes ! Le gouvernement veut maintenant privatiser… les routes nationales »,
s’était indigné (déjà) en septembre 2020, Jean-Luc Mélenchon.
Le député LFI de l’Essonne, Antoine Léaument, vient ainsi de lancer une pétition (signée par plus de 30 000 personnes en quelques semaines) et estime, sur actu.fr, que ce « risque de privatisation des routes nationales (et donc l’apparition de péages) existe bien ». On vous résume le dossier, et on vous dit pourquoi cette hypothèse n’est pas à l’ordre du jour… pour l’instant ?
Un premier décret au coeur de l’été 2020…
C’était en plein coeur de l’été, le 14 août 2020, un décret publié au Journal officiel « relatif aux conditions de classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes » mettait le feu aux poudres.
Ce décret d’application de la loi d’orientation des mobilités (LOM) de décembre 2019 prévoyait ainsi qu’une « section de route » pouvait être « classée dans la catégorie des autoroutes », « à condition d’être située dans le prolongement direct d’une voie bénéficiant déjà du statut autoroutier »,
et à condition que l’aménagement en « 2 × 2 voies et chaussées séparées » soit « impossible ou anormalement coûteux ».
Autrement dit, une route nationale, avant ou après une actuelle section d’autoroute, peut désormais être privatisée.
Devant la polémique, JeanBaptiste Djebbari, ancien ministre des Transports, s’en était expliqué, affirmant que ce décret visait simplement à « traduire dans le droit ce qui était déjà existant dans la pratique », à savoir « la gestion des derniers kilomètres avant d’entrer sur l’autoroute ». Le ministre assurant alors qu’il ne s’agissait pas, là, « d’avancer le péage de quelques kilomètres » ou d’« augmenter le péage des autoroutes ».
Un moyen de faire des économies
Pour l’État, c’était avant tout un moyen de se désengager du coût de rénovation d’une partie de ses routes, jugées très coûteuses. Et depuis, cette volonté de faire des économies a fait son chemin.
Au coeur de la pétition du député LFI Antoine Léaument, lancée en ce mois de février 2024, le vote de la loi de décentralisation « 3DS » (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), et la possibilité désormais pour des collectivités de gérer et d’exploiter des tronçons de routes nationales au sein de leurs territoires.
Au coeur de la pétition du député LFI Antoine Léaument, lancée en ce mois de février 2024, le vote de la loi de décentralisation « 3DS » (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), et la possibilité désormais pour des collectivités de gérer et d’exploiter des tronçons de routes nationales au sein de leurs territoires.
Une expérimentation pendant huit ans
Selon une loi promulguée le 22 mars 2024, des routes nationales peuvent ainsi « changer de main ». C’est une réalité.
Il s’agit d’une expérimentation, durant huit ans, qui voit la mise à disposition de routes nationales à des collectivités. Trois régions se sont déjà portées volontaires pour l’expérimentation : les régions Auvergne-RhôneAlpes, Grand Est et Occitanie.
Une mise à disposition qui implique un transfert de la gestion de ces routes nationales à ces régions, mais pas de leur propriété, qui reste à l’État.
« La loi 3DS prévoit la possibilité d’expérimenter, pour une durée de huit ans, la mise à disposition de routes nationales non concédées aux régions qui seraient volontaires. Pendant la durée de cette expérimentation, les régions seront chargées d’aménager, d’entretenir et d’exploiter les routes mises à disposition. Elles pourront s’appuyer sur les agents de l’État en région », souligne le ministère de l’Économie.
Une décision qui peut ainsi, selon les mots de Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, dans un communiqué, « donner enfin aux collectivités les moyens de répondre efficacement aux attentes des habitants dans de nombreux territoires, notamment ruraux, où ces routes jouent un rôle déterminant en matière de déplacements du quotidien, de désenclavement et de développement économique ».
« Apporter une réponse plus rapide »
En d’autres termes, de faire mieux que l’État, expliquait-elle en substance, début 2023, et « d’apporter une réponse plus rapide, faire du sur-mesure ». Rapprocher la gestion des routes de l’usager pour résumer.
« La région participait déjà grandement au financement des travaux sur ces itinéraires. Mais dans les faits, l’action de l’État s’avérait trop lente et parfois inadaptée aux attentes car trop éloignée des enjeux locaux », avance Carole Delga, présidente de la région Occitanie.
« Mais l’inquiétude, audelà de ce désengagement de l’État », s’alarme Antoine Léaument, c’est donc qu’au bout de cette expérimentation de huit ans, les régions n’aient plus les moyens de payer et décident donc « de privatiser ces routes et pourquoi pas de mettre ainsi des péages », estime le député, expliquant ainsi, en argumentaire, avoir déposé des amendements pour instaurer une clause légale empêchant à ces collectivités de déléguer cette gestion à des organismes privés. Des amendements qui ont été rejetés.
Emprunter les nationales (et payer !) pour éviter le coût trop élevé des péages sur les autoroutes – aujourd’hui, en France, 9 221 kilomètres d’autoroutes sont payants -, ce n’est donc pas pour demain. Même si la porte n’est pas fermée totalement.