Le Pays Briard

« Mon fils est autiste asperger, se fait harceler depuis le CP et c’est le drame de notre famille »

Plus d’un élève par classe serait victime de harcèlemen­t scolaire. C’est le cas de Noa*, 15 ans, autiste asperger et élève au lycée de Coulommier­s. Un drame qui touche toute la famille. Sa mère raconte.

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Je suis épuisée ». Cette mère d’un ado de 15 ans, diagnostiq­ué autiste asperger, scolarisé au lycée de Coulommier­s et harcelé depuis le CP, est à bout. Nous l’appelleron­s Christine*. Son fils ? Va pour Noa*. Il ne s’agit pas de leurs vrais prénoms mais, par peur des représaill­es, ces habitants de Nanteuil-lès-Meaux ont préféré garder l’anonymat.

Les mains tremblante­s, Christine* a tout de même souhaité témoigner du calvaire que vit sa famille depuis des années. Car, aujourd’hui, cette mère au bord du désarroi ne veut plus se taire. « Je ne suis pas seule, des dizaines de parents d’élèves sont concernés. Il faut briser le silence », remarque-t-elle, la voix chevrotant­e. Une sorte de MeToo scolaire. Une goutte d’eau dans un océan de maltraitan­ce ? Peu importe. Son intention : briser l’omerta.

Le bouc-émissaire idéal

Tout commence alors que Noa* n’a que 6 ans. « Sous la douche, je découvre mon fils rempli de marques sur le corps, raconte Christine, de la buée dans ses yeux cernés. Quand je lui ai demandé ce qu’il s’était passé, Noa* m’a répondu que des élèves l’avaient frappé et que sa soeur aînée était venue le sauver. Il a employé le terme »sauver« , ça m’a glacé. » Premier coup de poignard dans le coeur de cette mère qui, même si elle l’ignore encore, vient de rentrer dans la spirale infernale du harcèlemen­t. « J’ai su par la suite que dix gamins l’avaient couché par terre, lui avait fait manger de l’herbe et l’avaient rué de coups », poursuit-elle.

Le tort de Noa* ? Sa différence. Le garçon gère mal ses émotions, encore moins ses frustratio­ns, ce qui génère des problèmes de comporteme­nt.

« Quand quelque chose le dérange, il est obnubilé par ça, il n’arrive pas à se concentrer, parfois il va crier, faire du bruit pour déranger, adopter un comporteme­nt violent physiqueme­nt ou verbalemen­t. Il sort les choses telles qu’elles lui viennent, sans filtre », explique la mère de famille.

Le bouc émissaire idéal pour les élèves de sa classe. Après une année de CE2 catastroph­ique, le garçon poursuivra son CM1 et son CM2 en ITEP, institut thérapeuti­que pour les enfants avec des problèmes de comporteme­nts. Une bulle d’oxygène pour toute la famille.

« Tout s’est alors très bien passé, c’était rassurant, mon fils avait une scolarité comme les autres. Un véritable soulagemen­t. »

Reprise des sévices

Une accalmie de courte durée puisque, dès l’entrée en 6e, à Meaux, les sévices reprennent, particuliè­rement en 5e alors que les rapports avec son professeur principal sont conflictue­ls. « On est retombé dans la spirale, souffle Christine*. C’était le summum. Un jour, je reçois un coup de fil du proviseur me demandant de venir chercher Noa* pour la sécurité des autres et pour la sienne. En fouillant dans le téléphone de mon fils, je découvre un véritable harcèlemen­t sur les réseaux sociaux. »

A ce moment-là, la famille décide de porter plainte et de changer l’élève d’établissem­ent. Il terminera le collège à Nanteuil. « Alors, là, chapeau bas à l’équipe. Il a été encadré. Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas mais comme tout ado de son âge. Il commençait même à avoir des copains. Une élève l’avait harcelé mais elle avait rapidement été renvoyée de l’établissem­ent. »

Si les choses semblent enfin être prises en main, l’entrée au lycée va, à nouveau, mal se passer. Violences physiques, règlements de compte, menaces de mort, pour la famille de Noa*, la coupe est pleine. Aujourd’hui déscolaris­é, le lycéen occupe ses journées devant les écrans, au grand damne de ses parents qui, de plaintes en lettres à l’académie, ne savent plus comment réagir. « Il ne veut plus aller au lycée. De toute façon, j’ai peur qu’il aille en cours et son psy lui conseille d’ailleurs de ne pas y retourner avant la fin de l’année scolaire. On n’avance pas. La cellule harcèlemen­t scolaire n’est jamais disponible. On a fait tout ce qu’on pouvait. On se sent compléteme­nt seuls et démunis. »

Idées noires

Au delà du traumatism­e qui mure Noa* dans le silence et dans des idées noires, c’est la famille entière qui est impactée. « Ma fille qui a 19 ans aujourd’hui le vit mal. Personnell­ement, je ne dors plus de peur qu’il fasse une bêtise. Cette situation génère de grosses tensions dans notre couple. On marche sur des oeufs. »

Alors, sur les conseils de leur assistante juridique, la famille compte se faire conseiller par un avocat afin de faire prévaloir leur plainte pour « non respect de la loi sur le harcèlemen­t ».

Et Christine* de conclure : « C’est dégueulass­e (sic). C’est vrai que Noa* n’a pas un comporteme­nt facile, n’a peut-être pas les bonnes attitudes, mais ce n’est pas une raison pour s’acharner comme ça sur lui. Les professeur­s ne sont pas formés pour aider les élèves différents. Les élèves qui ont un handicap physique commencent à peine à être acceptés mais les élèves avec un handicap mental ? N’ont-ils pas droit à une scolarité comme n’importe quel enfant ? »

Alors que, récemment, des incidents violents dans les établissem­ents scolaires ont conduit à des drames, Nicole Belloubet était interrogée le 22 avril au sujet du nouveau plan de sécurisati­on, sur le plateau de Télématin. « Le ‘pas de vague’ c’est terminé, nous prenons nos responsabi­lités », a t-elle déclaré.

Après les annonces, les parents de Noa* attendent maintenant les actes.

Il faut briser le silence LA MÈRE D’UN ENFANT HARCELÉ

 ?? (Illustrati­on ©Adobe Stock) ?? Les parents se sentent totalement démunis face à la maltraitan­ce que subit leur fils.
(Illustrati­on ©Adobe Stock) Les parents se sentent totalement démunis face à la maltraitan­ce que subit leur fils.

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