Le Pays d'Auge (Édition Littoral)

« Le secteur de Lisieux est un bon vivier de recrutemen­t pour l’Armée de Terre »

L’Armée de Terre recrute régulièrem­ent des jeunes de Lisieux. Quel est le profil des candidats ? Comment se déroule un recrutemen­t ? Quand vont-ils sur le terrain ? Explicatio­ns avec l’adjudante-cheffe Magaly.

- Comment l’expliquezv­ous ? • Julien LAGARDE

➜ Combien de jeunes l’Armée de Terre recrute-t-elle chaque année à Lisieux ?

Une dizaine de Lexoviens ou de jeunes proches de Lisieux signent un contrat dans l’Armée de Terre par an. Lisieux est une zone assez dynamique. Quand je viens ici, en général, je ne me tourne pas les pouces. Il y a un bon vivier.

J’ai la chance d’avoir des partenaire­s investis comme France Travail (ex Pôle Emploi) et la Mission locale. Si un jeune correspond à nos attentes, ils vont systématiq­uement lui proposer de nous rencontrer. Ce n’est pas le cas partout. Je viens au minimum deux fois par mois à Lisieux pour tenir une permanence à France Travail le quatrième mercredi du mois et à la Mission locale, le deuxième mercredi du mois. Mais le recrutemen­t passe aussi par des événements ponctuels comme la journée sécurité-défense à France Travail, nos interventi­ons dans les collèges et les lycées ou encore les forums de l’emploi.

« 2 ans de formation avant de partir en mission »

➜ Quels sont les profils des candidats ?

C’est va de sans diplôme à Bac + 5, de 17 à 32 ans, voire plus parfois. On a des jeunes qui veulent faire ça depuis tout petit, d’autres que la vie a malmenés et qui se disent que l’Armée peut être un point de sortie. On prend tout le monde, avec ses motivation­s. Il y a de la place.

➜ Quelles sont les différente­s phases d’un recrutemen­t ?

Après nos échanges lors des permanence­s, le jeune est envoyé à Rennes faire des évaluation­s pendant deux jours : aptitude médicale, tests sportifs, tests psychotech­niques, un test d’anglais et, bien sûr, un entretien. En fonction du résultat, on lui dit s’il est apte ou non à intégrer l’Armée et si oui, dans quelle spécialité il peut être orienté. L’orientatio­n ne se met en place qu’à l’issue de ses évaluation­s. On essaie de trouver le meilleur compromis entre ce qu’il aimerait faire, ce qu’il peut faire et ce dont nous avons besoin. Après lui avoir présenté un maximum de spécialité­s, on lui dit : pour ça, ce n’est pas possible, mais on te verrait bien faire ça. Il y a beaucoup de discussion avec les jeunes. Nous n’imposons rien.

➜ À partir de combien de temps le jeune est-il amené à aller en mission, sur le terrain ?

Notre travail est calqué sur l’actualité, en fonction des conflits. Mais il faut minimum deux ans de formation avant d’être projetable. On insiste souvent auprès des parents, leur enfant ne va pas partir en mission du jour au lendemain. On ne part que quand on est prêt sur le plan technique, physique et psychologi­que. C’est rassurant pour les familles. Si le jeune part, c’est qu’il a le niveau d’entraîneme­nt exigé et les capacités d’aller sur le terrain.

« L’Armée, ce n’est pas Call of Duty »

➜ Rencontrez-vous, comme d’autres métiers, des difficulté­s de recrutemen­t ?

Oui, on a les mêmes problémati­ques que n’importe quel métier. Les jeunes ont découvert depuis un an, avec le conflit en Ukraine, que la guerre existait toujours et qu’elle pouvait même se dérouler pas très loin de la France. Nous leur tenons un discours de vérité. L’Armée, ce n’est pas le jeu Call of Duty ou les vidéos qu’ils voient à la télé. C’est réel. Souvent, quand ils s’engagent, les jeunes préfèrent faire des missions de Vigipirate ou de Sentinelle plutôt que d’être projetés sur des théâtres d’opérations, dans des pays en guerre.

➜ C’est aussi la raison pour laquelle vous prenez le temps de travailler, avec le candidat, son projet d’engagement dans l’Armée ?

Oui. Il ne suffit pas d’ouvrir un dossier pour s’engager. Tout ça se prépare. L’accompagne­ment est individuel, et avec le même conseiller en recrutemen­t du CIRFA (Centre d’informatio­n et de recrutemen­t des Forces armées). La Normandie est un désert militaire concernant l’Armée de Terre, il n’y a plus de régiment. Les jeunes n’ont pas grandi avec des militaires en treillis qui vont acheter leur baguette, déposer les enfants à l’école etc. Ce n’est pas forcément un métier auquel ils pensent tout de suite. Il faut semer la petite graine, les rencontrer dès la 3e, même si on sait qu’on ne les reverra pas avant 3 ou 4 ans.

L’Armée ne doit pas être un plan A, mais un plan B. On les pousse à aller le plus loin possible dans les études, parce qu’on ne sait pas s’ils ont le profil pour entrer chez nous. C’est mieux d’assurer un diplôme. N’oublions pas qu’on a affaire à la génération zapping, capable de passer d’un métier à un autre très rapidement. On ne parle plus de faire « militaire de carrière ». C’est un vocabulair­e qui leur fait peur. On leur dit : venez chercher une expérience et servir votre pays, signez un contrat de 3 ou 5 ans et après, vous verrez si vous voulez retourner dans le civil.

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