Démissions en cascade de conseillers à la Mairie : vers un retour aux urnes pour les électeurs?
Les démissions de conseillers municipaux se sont multipliées ces derniers jours, à la Mairie de Villers-sur-Mer, à la veille d’un nouveau conseil municipal. Avec un conseil constitué de 14 élus, de nouvelles élections devraient avoir lieu dans les deux mois.
Depuis l’annonce de la démission du maire, Thierry Granturco, la semaine dernière, les tensions se jouant au sein de la Mairie ces derniers mois n’ont fait qu’empirer.
Entre des démissions en cascade, un report du vote du budget à ce vendredi, des tractations et une difficile union au sein de la majorité pour trouver un successeur au maire, la situation de crise politique a atteint son paroxysme, en coulisses, cette semaine.
➜ Que s’est-il passé ces derniers jours ?
Au-delà de l’annonce de la démission du maire, et celles d’Audrey Grassi et Cindy Girot la semaine dernière, de nombreux autres conseillers ont, depuis, déposé leur démission : Gladys Vignet, Olivier Guérin, Stéphane Perrault, Caroline Raclot-Marais, Delphine Manoury, Gaël Pilastre, Fabienne Bichet et Jacques Nottet pour la majorité. Stéphanie Baurières et Benoit Trouillet, les potentiels suivants sur la liste J’aime Villers, ont décliné l’offre de rejoindre le conseil municipal.
Anciennement de l’opposition, avant de rejoindre le camp de la majorité, Arnaud Besnier a également déposé sa démission.
➜ Quelle est la conséquence de ces démissions en cascade ?
En comptant les démissions de conseillers, les arrivées, les refus : le conseil municipal de Villers-sur-Mer ne compte aujourd’hui plus que 14 personnes : neuf de la majorité, cinq de l’opposition. «Les démissions étant intervenues après l’envoi de l’ordre du jour du conseil de ce vendredi, on prend en compte le nombre de conseillers au moment de l’envoi pour déterminer si oui ou non le conseil municipal se tiendra », précise Thierry Granturco. Dans les faits, le conseil devrait donc se tenir, si les élus qui n’ont pas démissionné siègent bien ce vendredi soir. « Maintenant la question est de savoir s’il va y avoir le quorum, qui est de 12 conseillers, ce qui m’étonnerait beaucoup», complète le maire. Un point qui fait réagir certains conseillers. « On a l’impression que le maire fait tout pour que le conseil n’ait pas lieu, alors qu’on doit voter le budget, celui du Space aussi, avec des salaires des agents qui doivent être votés pour qu’ils soient payés », s’emporte l’un d’eux.
En revanche, ces démissions en cascade ont une autre conséquence, à long terme. « Il faut plus de 14 conseillers, après les remplacements, pour que le conseil municipal puisse perdurer», chiffre Thierry Granturco. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 14. « Avec toutes les démissions, on tombe en dessous. Je vais en informer la Préfecture, il faudra donc procéder à de nouvelles élections dans les deux mois ».
➜ Comment en est-on arrivé là ?
Pour rappel, ces derniers mois, de fortes tensions avaient éclaté au sein du conseil municipal. Au-delà des divergences politiques entre la majorité et l’opposition, d’autres ont éclos au sein même de l’équipe de Thierry Granturco. Une crise liée notamment à l’enquête pour harcèlement moral dont il fait l’objet. Pour rappel, il y aurait au moins « dix victimes », notamment des élus de la majorité, qui reprocheraient au maire des faits de harcèlement moral. L’audience a été reportée et se tiendra le jeudi 26 septembre, à Alençon. Autre épisode : le 21 décembre dernier, des élus de la majorité et de l’opposition avaient quitté la salle en début de conseil municipal. Quelques jours plus tôt, quatre élues de la majorité avaient envoyé une lettre ouverte à l’attention des autres conseillers municipaux mentionnant des « propos outrageux » que le maire aurait tenus à leur égard. Ces derniers temps, la vie politique communale avait aussi été marquée par la démission d’Olivier Guérin de ses fonctions de premier adjoint, « pour conserver mon intégrité et mon honnêteté », avait-il justifié ensuite, mais aussi par des tensions autour de l’ouverture du pôle de santé.
Autant d’épisodes qui ont scindé la majorité en plusieurs camps. Alors, quand Thierry Granturco a annoncé sa volonté de quitter ses fonctions la semaine dernière, les démissions sont tombées en chaine. Des conseillers qui étaient pour certains des « fidèles » au maire démissionnaire. Ce que ce dernier reconnait, considérant : « Je leur ai demandé de trouver un successeur, ils ont discuté sans réussir à parvenir à un accord, ce qui était envisageable puisqu’on a aujourd’hui un conseil en puzzle ».
➜ Pour certains, c’est une manière de « dégager les contestataires »
Pour certains conseillers, la situation n’est pas anodine. Ils regrettent que « l’animosité »
l’ait emporté sur la politique : «on aurait dû rester sur le débat politique, mais là ça devient presque religieux, avec le camp du bien et celui du mal. On aurait pu rationaliser les relations entre les gens, mais là on est sur de la vengeance, de l’animosité. Cette incapacité à défendre l’intérêt général ou le bien commun au profit des petites combines, c’est regrettable ».
Un climat qui, selon certains, serait « orchestré par le maire »,
sans pouvoir pour autant poser des mots précis sur «les motivations de ce chaos ».
➜ Pour d’autres, c’est une manière de faire jouer la légitimité
L’idée avait été proposée par Jérémie Gosselin au conseil, vendredi dernier, et c’est finalement cette voie qui devrait être empruntée, au regard des événements : celle d’un retour aux urnes des électeurs. Une proposition du conseiller de l’opposition que le maire démissionnaire partage : « on ne peut pas s’octroyer une légitimité démocratique qu’on n’a pas testée devant les électeurs»,
considère Thierry Granturco qui indique : « Maintenant je les laisse faire. Je n’ai pas envie de soutenir qui que ce soit. Je ne vais pas ajouter de la difficulté à la difficulté, même si je sais où je penche. Je vais faire en sorte que chacun prenne ses responsabilités, car pour se présenter à la Mairie, ça nécessite un minimum de compétences que je ne trouve pas au conseil ».
Sur ce point, un autre conseiller s’inquiète : « En agissant ainsi, le maire dégage les contestataires pour reformer sa propre équipe et organiser des élections qu’il supervisera lui-même ». Pour certains démissionnaires, au contraire, cet acte de démission est un « appel à l’apaisement » et un besoin de « passer à autre chose pour le bien de la commune, avec un nouveau conseil et de nouvelles bases ». Si certains croient en « un ciel bleu » se dégageant à l’horizon, l’apaisement ne semble pourtant pas, pour le moment, à l’ordre du jour.