« Je sais que je vais y avoir droit »
Ils étaient en couple depuis 2002, parents de jumeaux, propriétaires d’une maison. Jusquelà tout allait bien.
L’homme à la barre est chauffeur routier. À partir de 2010, quand il rentre le vendredi soir après une semaine sur les routes, il trouve que sa femme n’est plus très disposée à l’accueillir. Pour lui c’est clair : elle lui est infidèle.
Jamais la tête « ça laisse des traces »
Alors il va devenir insultant. Quotidiennement. « Sale chienne », entre autres horreurs difficilement retransmissibles. Il va la frapper, souvent. Des coups de pied dans le ventre quand elle est à terre, au dos ou aux cuisses. Jamais à la tête « ça laisse des traces », prend-il le soin de préciser à sa femme. Il va surveiller son téléphone. Et puis il lui impose des relations sexuelles. « Dans un couple, c’est pas un viol, c’est ton devoir. »
Le président du tribunal va présenter l’étendue des dégâts, citer les insultes, décrire les scènes, essayer de comprendre, demander à la femme présente à l’audience si elle avait « tenté de marquer son opposition ». « La victime dit qu’elle n’a pas eu mal, mais elle fermait les yeux et elle pensait à autre chose pour… faire passer. »
Les coups reconnus, les viols un peu moins
Le prévenu reconnaît les coups, les viols un peu moins. Sa femme était consentante, pour lui il n’y a pas de doute. « Vous savez ? souvent on dit que quand il y a des disputes on se réconcilie sur l’oreiller… Voilà, c’était ça. »
Mais à voir la victime essuyer ses larmes et raconter ses dernières années de vie commune, il semblerait que la douce réconciliation avait comme un arrière-goût d’abject. « Quand il rentre le vendredi, je sais que je vais y avoir droit. Je n’ai d’autre choix que de me taire… j’ai mes enfants à l’étage au-dessus. »
Une notion de pardon toute particulière
Le conjoint à la notion de pardon toute particulière a bien appris sa leçon avant de comparaître : il répète inlassablement que lui et sa femme sont dans une « relation toxique » et que les torts sont partagés : « Quand j’arrive, alors que j’ai beaucoup travaillé, elle regarde la télé. Je me sens délaissé. » Alors le procureur lui demande s’il pense qu’il est la victime de l’affaire, l’homme répond oui.
Il n’en faudra pas plus pour faire sortir de ses gonds Me Verdier : « On s’en fiche qu’il travaille beaucoup, elle aussi elle travaille beaucoup ! Elle était consentante, vraiment ? Sérieusement : on imagine mal une femme dire toujours oui quand elle se fait cogner. Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas partie avant ? Parce qu’on n’a pas envie de briser sa famille. Mais quand son fils lui demande « Maman, pourquoi t’es une pute ? », c’est trop ! »
Pour adoucir un peu le portrait dressé de son client, Me BatailleGedouin va essayer de chanter les louanges de son travail et de son dévouement « pour sa famille ». Pour les violences et les agressions sexuelles, elle demande la relaxe. « Le dossier est vide, il n’y a rien : aucune constatation médicale. Estelle crédible parce que c’est une femme ? »
12 mois de prison avec sursis
Le tribunal a condamné le père de famille à 12 de mois de prison avec sursis. Il a interdiction de paraître au domicile de la victime ainsi qu’à son travail, et devra lui verser la somme de 55 700 € au titre du préjudice moral.
Ayant la parole en dernier, le prévenu a souhaité « bonne chance dans sa nouvelle vie » à son ex-compagne.