Le célèbre portrait de Chateaubriand, seul rescapé !
L’histoire de ce tableau arrivé jusqu’à nous est passionnante. Il aurait pu, lui aussi, finir dévoré par les flammes, mais il a été sauvé in-extremis, à peine un mois auparavant… Et il fallut aller le récupérer chez la maîtresse de Chateaubriand à sa mort, en 1848, pour qu’il soit enfin en possession de la Ville.
Ce tableau, tout le monde le connaît. C’est LA vue la plus célèbre de l’auteur des Mémoires d’Outre-Tombe, du Malouin Chateaubriand. Pourtant, ce tableau aurait bien pu finir brûlé et ne jamais arriver jusqu’à nous.
Dédain de l’Empire
C’est le peintre Girodet qui réalise ce portrait de Chateaubriand pendant l’été 1808 : l’écrivain a alors 40 ans. Plutôt fier de celui-ci, Chateaubriand n’en prendra possession qu’en 1812, après qu’il ait été exposé au Salon de peinture et de sculpture à Paris, comme cela se faisait traditionnellement à l’époque.
Il porte alors le titre prudent de Un homme méditant sur les ruines de Rome : le Salon est inauguré par Napoléon, or, sur le tableau, Chateaubriand dédaigne l’Empire…
Récupéré par les députés chez sa maîtresse
Chateaubriand laisse son tableau à son domicile, dans son « ermitage » occupé par son épouse Céleste, Chateaubriand étant très souvent ailleurs. En 1839, la Ville de Saint-Malo exprime le voeu de faire peindre un autre portrait de l’écrivain célèbre ; il a alors 71 ans, et par coquetterie, refuse : il préfère que la Ville entre en possession de cet unique portrait de lui, alors toujours entre les mains de sa femme. Ne souhaitant guère d’affrontement avec celleci, il fait savoir qu’à sa mort, le tableau sera à la ville.
Céleste meurt un an avant lui, en 1847 : le tableau est alors acheminé chez la maîtresse de l’écrivain, Mme de Récamier, celui-ci vivant chez elle. Chateaubriand récupère donc son tableau à l’âge de 80 ans, mais pas pour en profiter longtemps, puisqu’il meurt en juillet 1848. Les députés de l’époque le récupèrent donc là-bas, chez la maîtresse. Il est depuis cette date en possession de la Ville.
Sauvé in-extremis en juillet 1944
Il s’en est fallu de peu, pour que ce tableau périsse avec les autres, près d’un siècle plus tard : « La seule chose qui a été mise à l’abri, c’est ce portrait », raconte Philippe Petout. « En juillet 1944, les services des musées nationaux l’ont fait mettre dans une caisse ; il a été transporté au château de la Lorie, dans le Maine-etLoire ; c’est la seule oeuvre qui a ainsi été sauvée », poursuit le conservateur du musée de Saint-Malo.
L’oeuvre a été récupérée en 1947, et temporairement mise dans le bureau du maire, provisoirement installé à la caserne de Rocabey.
C’est un tableau qui s’est donné à voir : « Il a beaucoup voyagé », rapporte Philippe Petout. « En 1810 donc, puis en 1814, 1878, puis en 1959 à Londres, en 1960 à Copenhague, en 1969 à Londres à nouveau, en 1996 à Berlin, en 2001 à Gênes et en 2003 à Rome ». Ses voyages devraient s’arrêter là, dans un souci de le préserver. A noter qu’il existe une réplique ancienne de ce tableau, au musée de Versailles ; l’original, survivant du temps, est en tout cas visible au 2ème étage du donjon, au Musée de SaintMalo…