Gilles Lurton, l’homme qui n’arrêtait jamais
Gilles Lurton, 53 ans, est l’un des députés les plus assidus à l’Assemblée nationale. Mais aussi un infatigable coureur d’assemblées générales et de fêtes locales le week-end. Rencontre.
Comme toujours, Gilles Lurton ne passe pas incognito quand il remonte la rue Ville-Pépin, à Saint-Servan. Les « bonjour M. le député » se mêlent aux « salut Gilles ».
L’homme est ici chez lui. C’est son fief, son quartier qui l’a souvent bien aidé à le faire élire. Gilles Lurton prend le temps de bavarder. Comme s’il était en campagne. « J’aime parler avec les gens, corrige-t-il. Député ou pas, c’est dans ma nature. Et c’est mon rôle d’être près d’eux. Les citoyens ont besoin d’échanger avec nous. Et puis, comment pourrais-je les représenter si je ne suis pas en contact permanent avec eux ? »
« Je n’ai jamais une minute à moi »
Nous sommes vendredi et il n’a pas fini d’en serrer des mains. L’agenda du week-end s’annonce chargé. Très chargé. Conférence, vernissage, assemblée générale, festival de musique, fête des moules, pot des chasseurs, départ de l’Hermione, etc. Une vraie liste à la Prévert. Interminable. « Je n’ai jamais une minute à moi ». Et c’est comme ça chaque semaine. Seul moment « de liberté » qu’il entend cette fois-ci s’octroyer, la finale du championnat d’Europe de football, qu’il a prévu ce dimanche soir de regarder chez des amis. Son jardin, sa passion, une fois de plus attendra : « Il est dans un état…»
Entre 70 et 100 courriers par semaine
Arrivé à sa permanence, ses deux collaborateurs malouins ont la tête dans le guidon. Une épaisse pile de courriers trône sur le bureau. « On en reçoit entre 70 et 100 par semaine », précise Christian Avril, son attaché parlementaire. « J’étais à fond sur la loi Travail. J’ai pris 1 mois de retard dans mon courrier. Il faut que je rattrape ça cet été », promet le député malouin.
Logements, impôts, électricité, eau, etc… On sollicite le député pour tout. On lui tient la jambe pour un rien. On lui demande surtout de l’aide. « J’aiguille, je redirige… Je me fais un devoir de répondre à tout le monde ». Des bénévoles l’aident, lui et ses collaborateurs, dans sa tâche depuis sa permanence, place de la Roulais. Ses collègues du Palais Bourbon en font-ils autant ? « Non », lâche-t-il un peu gêné. « Je suis aussi un peu victime de ce que je faisais avant à la mairie ». Où Gilles Lurton officiait sur tous les fronts, dans l’ombre de René Couanau. L’homme à qui il a succédé sur les bancs de l’assemblée et qui lui a mis le pied à l’étrier, il y a 25 ans. « S’il n’avait pas été là, je n’aurai pas eu ce parcours. Il m’a beaucoup appris ».
Le jeune attaché parlementaire, qui tutoie aujourd’hui (et apprécie) Emmanuel Macron, se voyait-il un jour député ? « Je n’y pensais même pas. Je ne l’aurais jamais imaginé. Mais j’ai toujours aimé ça. La politique, c’est un choix, une passion, ma vie ».
« 8h - 23h » tous les jours
Et pas un sacerdoce, dit-il, même s’il s’y voue corps et âme. On critique souvent nos parlementaires à propos de leurs supposées absences lors des séances à l’Assemblée Nationale. Lui fait partie des bons élèves, selon Nosdeputes. fr. Assidu et bosseur, disent ses collègues. Une journée de travail de Gilles Lurton, c’est « 8h - 23h », tous les jours. Le mardi matin, il est dans le train de Paris à 6h05. Il revient le jeudi soir à Saint-Malo à 21h07. Le reste du temps est consacré à l’arrondissement de Saint-Malo. 16 000 km parcourus chaque année, et jamais un mot plus haut que l’autre de ses concitoyens, jure-t-il. « Je vois bien que les gens ont de moins en moins confiance dans la politique. J’entends dire : « Vous êtes tous les mêmes ». Mais ça ne m’est jamais adressé à moi. Je ne suis jamais insulté ».
« Il faut se préparer à perdre »
Gilles Lurton sera candidat à sa propre succession l’an prochain, sous l’étiquette « Les Républicains ». S’imagine-t-il battu ? « On est élu pour un mandat. Il faut se préparer à tout perdre. » Et Gilles Lurton déshabillé de son mandat, ça donnerait quoi ? « Je n’en sais rien. Je n’y pense pas ». Et les prochaines municipales, y pense-t-il en se rasant devant sa glace chaque matin ? « Je suis candidat aux législatives ». Pour le scoop, on repassera. Et le maire Claude Renoult, dont il est l’un des opposants au conseil municipal, il en pense quoi ? « Je suis député. Et un député travaille pour tout le monde ». Ce n’est pas le moment de faire des vagues et de se mettre du monde à dos. Il y a une élection l’an prochain. Et Gilles Lurton n’entend pas se louper.