Le Pays Malouin

Plusieurs Bretons dont un Malouin

- Alain Verdier

La Nao Victoria fait escale depuis hier à Saint-Malo, jusqu’au 11 septembre. Il s’agit de la réplique du premier navire à avoir réalisé une navigation autour du monde, entre 1519 et 1522. La fameuse expédition de Magellan. Ce que l’on sait moins, c’est que plusieurs Français accompagnè­rent le navigateur portugais. Le Malouin Alain Verdier, globe-trotter, conférenci­er et écrivain-voyageur s’est passionné pour Magellan et son étonnant périple. Il a, entre autres, retrouvé les traces de ces marins bretons et français qui étaient de ce voyage. Dont un Malouin : Barthélémy Prieur (1). Il nous livre ci-dessous quelques lignes sur ces explorateu­rs méconnus qui ont contribué à l’une des plus grandes aventures de l’histoire maritime.

Fernao de Magalhaes (Fernand ou Ferdinand de Magellan en français) est né en 1481 à Porto, au Portugal. Passé plus tard au service de la couronne espagnole, il partira le 20 septembre 1519 de Sanlucar de Barrameda, l'avant-port de Séville, avec cinq navires : la Trinidad, la Victoria, le San Antonio, le Santiago et la Conception. Le but du voyage était la recherche d'un passage vers l'ouest qui pourrait le mener jusqu'à l'archipel des Moluques et ses précieuses épices. 265 hommes dont 18 français faisaient partie de cette aventure.

Il faut rappeler ici qu'au 15e siècle, les épices étaient au centre de l'économie mondiale. Hautement appréciées pour leur saveur ainsi que pour la conservati­on des aliments, le clou de girofle, la cannelle, la noix de muscade et le poivre noir étaient extrêmemen­t recherchés. Ces épices représenta­ient un marché internatio­nal comparable à celui du pétrole aujourd'hui. Puisqu'elles ne pouvaient pas être cultivées en Europe, aucun effort n'était épargné pour découvrir la route maritime la plus courte vers l'archipel des Moluques. Le Portugal et l'Espagne se faisaient une guerre acharnée pour le contrôle de cette denrée. Les Européens, et particuliè­rement les Portugais, avaient atteint les Moluques en naviguant par l'est, mais per- sonne n'avait encore navigué par l'ouest pour accéder aux îles aux épices. Magellan était déterminé à être le premier [lire aussi nos articles de l'édition du 1er septembre consacrés à l'expédition de Magellan].

A bord du Santiago se trouvait le Malouin Barthélémy Prieur, qu'on appelait plus simplement Malo. Il était officierma­rinier et fut embarqué sur la Trinidad après le naufrage de son navire. Il mourut dans les geôles portugaise­s de Malacca en novembre 1521 [après que la Trinidad fut arraisonné­e par les Portugais - Ndlr].

Il y avait également sur la Trinidad un autre Breton nommé Guillaume Tanguy. Originaire de l'île de Groix, il occupait le poste de canonnier. Il fut tué lors du guet-apens qui coûta la vie à Magellan aux Philippine­s.

Avec Barthélémy Prieur, sur le Santiago, étaient deux mousses bretons, Pierre Arnaud, d'Auray et Jean Bras, du Croisic. Transbordé­s tous les deux du Santiago sur le Trinidad, ils périrent après la prise de leur bateau par les Portugais aux Moluques. Comme Jean Bras, Etienne Villon, dit aussi Etienne Breton, était inscrit comme né au Croisic. Simple matelot sur la Victoria, il mourut le 14 juillet 1522 au Cap Vert.

Parmi les autres Français qui prirent part à l'expédition, deux se trouvaient sur la Trinidad, le navire amiral : l'arbalétrie­r Petit Jean d'Angers et le canonnier Jean Baptiste, de Montpellie­r. Ils perdirent tous les deux la vie dans le massacre des Philippine­s.

A bord du Santiago s'étaient embarqués le canonnier Laurent Corrut ou Corrat de Falaise, en Normandie, ainsi qu'un certain Jean Massies. Le premier mourut en mer le 13 mai 1522, le second décéda à bord de la Trinidad. Avec eux se trouvait un autre Normand, le charpentie­r Richard de Normandie, né à Bayeux ou Evreux. Un certain Pierre Gaston ou Gascon s'était joint à eux. Il était de Bordeaux et était devenu matelot après s'être embarqué comme mousse. Il mourut en mer à bord de la Victoria, le 12 mai 1522. Un autre Français, le calfat Simon, se trouvait sur la Victoria. Il venait de la Rochelle, mais ses parents étaient originaire­s de Saint-Martin de Ré. Il fut également tué aux Philippine­s. Inscrit sous le nom de Mahuri ou Mauri, il y avait aussi sur la Victoria un matelot originaire de Narbonne qui mourut en mer le 18 mai 1522 au large du Cap de Bonne Espérance.

Quant à Jean le Français, nom qui indique bien son origine, il était natif de Rouen et naviguait sur le San Antonio dont les marins se mutinèrent et s'enfuirent avec leur navire. A bord de ce même navire se trouvait un aumônier français, Bernard Calmette, de Libourne. Le mousse Colin Baco, de Boulogne, les accompagna­it. On ne sait pas ce qu'il devint.

Trois rescapés français

Seulement 18 hommes reviendron­t trois ans plus tard à Séville sur le Victoria, commandé par le capitaine Sebastian del Cano. Il y aura pourtant un total de 90 rescapés de cette incroyable odyssée [la plupart formant l'équipage du San Antonio, mais ceux-là n'effectuère­nt pas un tour du monde, ainsi que les marins qui survécuren­t aux geôles portugaise­s Ndlr]. Trois français seront parmi eux : Jean le Français et l'aumônier Bernard Calmette qui retournère­nt en Espagne avec les mutins du San Antonio ainsi que Richard de Normandie qui revint à Séville sur la Victoria après avoir été emprisonné par les Portugais au Cap Vert.

Aucun de nos cinq compatriot­es bretons n'aura survécu à ce qui fut le premier voyage de circumnavi­gation autour du monde.

(1) Alain Verdier a dédié son livre « Peregrinus Mundi » publié en 2008 à Barthélémy Prieur, le seul Malouin à avoir participé à cette expédition épique sur lequel il a publié un article en 2013 dans le journal Ouest France.

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