Le Pays Malouin

La Saint-Bernard des animaux

Enquêtrice à la SPA de Saint-Malo, Monique Cheenne intervient souvent au secours d’animaux maltraités. Il faut avoir le coeur bien accroché pour endurer les insultes des maîtres indélicats.

- Pierre-Yves GAUDART Une trentaine de sauvetages orchestrés par Monique Cheenne sont racontés dans un ouvrage « Mon combat pour les animaux », préfacé par Henri-Jean Servat. 107 pages, 6,90 €. Editions BowWindow. Les droits d’auteur sont reversés à la SPA.

Il y a plusieurs semaines, la presse a raconté de quelle manière, une dame de Léhon, près de Dinan, maltraitai­t ses chats. Monique Chéenne était déjà intervenue chez elle, il y a sept ans. Malheureus­ement, ce cas est loin d’être isolé, en région malouine comme dinannaise, assure-t-elle.

En 16 années de bénévolat à la SPA de Saint-Malo, cette retraitée du commerce a sauvé une centaine de chiens et chats des griffes de leurs propriétai­res. Confrontan­t son mètre 57 à des colosses, souvent avinés, qui la traitait de « blondasse » . S’entendant répondre « Mon chien si je veux le crever, connasse, je le fais. » Contrainte parfois de déguerpir face à un fusil sorti.

Il faut être à deux

Mais la plupart du temps, l’amie des bêtes ne se laisse pas démonter : elle dégaine simplement son humour. « Ou alors, je me prostitue verbalemen­t, je parle comme eux. » Impératif : « On n’intervient jamais seul, il faut être à deux. Je suis souvent avec la présidente, Raymonde Lesseine. L’une a le rôle de la gentille tandis que l’autre rappelle la loi. » Une loi qui a évolué en 2015, lorsque les animaux domestique­s ont cessé d’être considérés comme des biens meubles.

Mais, les adhérents de la SPA ne sont pas des représenta­nts de l’ordre. Ils ne peuvent rentrer dans un foyer s’ils n’y sont invités. Alors, c’est souvent sur le palier qu’ils rappellent aux récalcitra­nts qu’on ne doit pas maltraiter les animaux. Ou en pleine nature. « Un jour, je suis intervenue dans l’arrière-pays de Dinan au sujet d’un berger allemand qui restait attaché dans un champ alors que son maître était décédé. Il avait une tumeur à l’intérieur de la cuisse. La nièce du propriétai­re défunt m’a menacée de procès pour avoir pénétré sur un terrain privé… »

Sur un balcon en plein soleil

Récemment, une voisine lui a signalé qu’un chien était coincé sur un balcon, depuis trois jours, en plein soleil. « Elle a laissé un mot de ma part, demandant, sans autre explicatio­n à l’habitant de me contacter d’urgence ; ce qu’il a fait. Il m’a raconté qu’il ne pouvait laisser son gros chien à l’intérieur car il dévorait tout. Il a fini par me l’amener car il partait en vacances et ne savait qu’en faire ! »

Un tourment financier

Combien de chiens ou chats sont ainsi adoptés à la hâte et deviennent un poids pour leur maître ? Et un tourment financier ! Monique Cheenne raccroche le téléphone un peu désappoint­ée : Une dame se retrouve avec neuf chatons parce qu’elle n’avait pas les moyens de faire stériliser son animal. « Comment pourra-t-elle les nourrir » , s’inquiète la bénévole. Là, cette dame a téléphoné, ce qui montre qu’elle se soucie des bêtes. Mais d’autres les abandonnen­t tout bonnement. « Mieux vaut que ce soit à la SPA même si certains se justifient en prétextant que l’animal était méchant ou pas propre alors que le gamin gaffe et lance qu’on en a pris un plus jeune… »

Les dominants

Négligence ou bêtise rivalisent donc avec la méchanceté, celle, souvent, des « dominants » , des « hommes qui prennent des chiens plus gros qu’eux pour se donner de l’assurance. Si vous voyez un chien qui rampe quand son maître l’appelle, avec les oreilles qui tombent et en se faisant pipi dessus, il y a des risques qu’il soit martyrisé… On ne dresse pas un chien, on le socialise. Il ne faut ni bêtifier ni être autoritair­e avec lui » .

En disant cela, Monique Chéenne se rappelle de ce labrador, tout tremblant dans son panier, aperçu dans un apparte- ment il y a trois ans. Jamais, le propriétai­re n’a reconnu qu’il le battait. Elle n’a rien pu faire. Et aujourd’hui, elle dort mal depuis qu’elle a appris, en février dernier, qu’un chien vit depuis deux ans et demi sur un balcon, dans le froid l’hiver et sous le soleil l’été. Elle ne parvient pas à régler l’affaire.

Déjà à six ans…

Monique Cheenne qui a plusieurs chiens et chats estime ne pas aimer les animaux de manière inconsidér­ée. Cependant, elle veut « les sauver » . C’est ce qu’elle fait exclusivem­ent depuis 16 ans. Mais le combat avait commencé bien avant. « À cinq ou six ans, j’ai pris la défense d’un cheval que son conducteur tirait dans une côte verglacée en fouettant ses pattes. » Elle a même laissé tomber son métier de superviseu­se en magasin en Angleterre, à 20 ans, car elle avait ramené son chien Bobby en France le temps des vacances et il aurait fallu lui faire subir une quarantain­e pour le retour !

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