Le Pays Malouin

Stéphane Frantz di Rippel, ce héros malouin assassiné à Abidjan

- Recueilli par Nicolas EVANNO

Le 4 avril 2011, Stéphane Frantz di Rippel était enlevé par un commando armé, en pleine crise politico-militaire en Côte d’Ivoire. Sauvagemen­t torturé et assassiné, on ne retrouvera jamais son corps. Le procès de ses présumés bourreaux devait commencer à Abidjan, le 28 novembre dernier. Au grand dam de sa famille, il a été reporté au dernier moment. Parmi les parties civiles, son frère Jérôme, qui habite Saint-Guinoux. Il nous confie ce témoignage poignant sur le geste héroïque de son frère, qui était originaire de la région malouine, dans laquelle vit une partie de sa famille.

Les faits « C’était le 4 avril 2011. Stéphane était le directeur du Novotel à Abidjan. Nous sommes alors en pleine crise post électorale, opposant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Un commando lourdement armé fait irruption dans l’hôtel. Stéphane a juste le temps de cacher au 8e et dernier étage la quinzaine de journalist­es qu’il héberge. Ensuite, il descend au 7e et attend…

Quand le commando arrive, il nie qu’il y a des journalist­es dans l’hôtel, alors qu’il sait très bien que ce sont eux que les hommes armés recherchen­t. Le commando l’oblige à ouvrir les portes de l’étage et découvre Yves Lambelin, pdg de la Sifca et deux de ses associés, l’Indonésien Chelliah Pandian et le Béninois Raoul Adeossi.

Le commando décide d’emmener mon frère et ces trois hommes au palais présidenti­el. Ils sont transporté­s torse nu, les yeux bandés par leur propre chemise, dans deux véhicules.

Une fois au palais présidenti­el, ils sont sauvagemen­t interrogés, torturés et assassinés. Nous ne savons pas qui a commis ces atrocités, mais nous savons que le général Dogbo Blé, chef de la garde présidenti­elle de Laurent Gbagbo, est alors présent au palais.

Les coupables vont faire disparaîtr­e les corps. Mais plusieurs semaines après, un pêcheur repêche le corps d’Yves Lambelin dans la lagune. Au début, les médias ont annoncé qu’il s’agissait de celui de Stéphane. En fait, non… Son corps n’a jamais été retrouvé ».

Son histoire « Stéphane allait avoir 46 ans en mai 2011. C’est mon aîné de 4 ans. Nous sommes d’une famille malouine, par notre mère. Mais nous avons passé notre petite enfance en Afrique. Nous suivions notre père qui travaillai­t dans le tourisme en Afrique.

Quand nous avions 11 et 15 ans, nos parents se sont séparés et nous sommes revenus avec notre mère à Saint-Malo. Nous restions liés à l’Afrique puisque nous allions voir notre père de temps en temps ; il était alors à Abidjan.

Mais c’est à Saint-Malo que nous avons passé notre adolescenc­e et notre jeunesse. Sté- phane a été élève au lycée hôtellier de Dinard. Il a travaillé un peu à l’hôtel des Thermes, puis il a ensuite incorporé le Groupe Accor. Il a d’abord travaillé en France, puis, à partir de 2005, il est parti en Afrique, au Bénin, au Togo puis en Côte d’Ivoire.

Il revenait régulièrem­ent en France, notamment pour voir ses deux filles, qui ont 16 et 24 ans aujourd’hui. Il passait systématiq­uement me voir. En Afrique, il vivait avec sa nouvelle compagne Karine.

C’était un homme amoureux de l’Afrique et du peuple africain. Il a toujours rêvé de faire une carrière là- bas, d’y vivre. Mais il ne s’est jamais occupé de politique. Il a toujours été altruiste, pacifiste. Il ne supportait pas l’intoléranc­e et le racisme. C’était vraiment une belle personne. Sa façon de se comporter pour sauver les journalist­es le confirme d’ailleurs… Je suis sûr qu’il savait qu’il mettait sa vie en danger ». L’hommage « Je tenais à lui rendre cet hommage. Pour toute la famille, ses deux filles, sa compagne Karine et avec une pensée particuliè­re pour notre mère. Elle est morte prématurém­ent en 2001. Stéphane a toujours souhaité être inhumé près d’elle. Nous n’avons pas retrouvé ses restes, mais une stèle à sa mémoire a été dressée près de la tombe de notre mère, au cimetière des Ormeaux à Saint-Malo ».

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