Le Pays Malouin

Après la mort d’Alan, le combat d’une mère

Alan avait 21 ans. Le corps sans vie de ce jeune Malouin a été retrouvé le 6 août dernier, dans un bassin du port de Saint-Malo. Un drame qui aurait pu être évité selon sa maman, Isabelle, qui se bat aujourd’hui pour sécuriser les quais.

- Recueilli par Samuel SAUNEUF La pétition peut être signée sur le site « Change.org », sous l’intitulé « pour une vraie sécurité des quais et bassins de SaintMalo ». Contact : petitionse­curitedesb­assins@gmail.com

« Il m’a dit : bisous maman, je t’aime, à ce soir. Puis il est parti travailler… » Depuis ce 1er août, la vie d’Isabelle Leday a basculé dans une infinie douleur. La perte d’un enfant, « personne ne peut l’imaginer » , rappellent ses deux amies Michèle Foulain et Rose Da Cruz, à ses côtés, pour l’épauler dans cette épreuve. « Il n’est pas rentré cette nuit-là. Je me suis dit qu’il était resté dormir chez un ami. Vous savez, c’était un jeune homme prudent, intelligen­t. Il avait la tête sur les épaules » , poursuit sa maman, dévastée par le chagrin.

Le lendemain, Isabelle fait un détour par le glacier d’Intra-Muros, où Alan est employé pour la saison. « Il n’était pas venu travailler. J’ai tout de suite compris qu’il s’était passé quelquecho­se de grave » . Elle alerte le commissari­at, lance un avis de disparitio­n sur Internet, remue ciel et terre.

« Il était beau, brillant. Il aimait la vie, sa famille, ses amis. Il s’apprêtait à partir vivre en Irlande » . Pour sa maman, cette disparitio­n soudaine ne peut être volontaire. Après « cinq jours d’espoir et d’angoisses » , la pire des nouvelles lui est annoncée, le samedi 6 août : deux touristes ont retrouvé un corps sans vie dans un bassin. C’est celui de son fils, Alan.

« Le rapport d’autopsie laisse supposer qu’il s’est noyé. La police, elle, a conclu à un accident tragique et fermé le dossier » .

Isabelle ne peut se contenter de ces réponses. Elle pointe du doigt des zones d’ombres. « On n’a pas retrouvé son téléphone, ni une grosse partie de l’argent liquide qu’il portait sur lui » . Elle cherche à comprendre comment son fils a-t-il pu tomber dans un bassin du port de Saint-Malo.

« On a interrogé ses copains, refait le parcours de sa soirée. Il a appelé un taxi, à la sortie d’un bar d’Intra, à 2h33. Sa montre s’est arrêtée à 2h40 » .

Que s’est-il passé durant ces sept minutes ? Pourquoi s’est-il approché des quais ? « On n’en sait rien. On sait seulement qu’il n’était pas ivre. Il n’avait bu que deux bières. Et puis, il était sportif, bon nageur. Il avait même pris des cours en milieu naturel » . Isabelle marque une pause : « De toute façon à quoi bon ? Ces bassins sont de vrais tombeaux à ciel ouvert, surtout la nuit. L’eau glaciale, l’obscurité… Si vous tombez dedans, vous êtes foutus » .

Depuis la disparitio­n de son fils, elle dit avoir recueilli beaucoup de témoignage­s d’accidents survenus sur les quais des bassins Vauban et DuguayTrou­in. « Des personnes qui tombent dans les bassins, ça arrive bien plus souvent qu’on ne le pense, certifie Isabelle. Quinze jours avant la mort de mon fils, c’est un monsieur qui est tombé dedans à vélo, en pleine journée » . Elle a également reçu le soutien d’un autre habitant de Saint-Malo, dont le frère est décédé dans des circonstan­ces similaires dans les années 90.

« Mon drame, et d’autres, auraient pu être évités si les bassins étaient mieux sécurisés » , est aujourd’hui persuadée Isabelle. Elle a relevé « des failles » à St-Malo : une échelle dont l’accès est condamné par un câble, une bouée de secours trop éloignée des quais. « Je ne demande pas à ce qu’on emmure les bassins. Mais il faut protéger les gens, c’est un endroit très fréquenté. Il faut mettre en place des barrières de sécurité, à l’image de ce qui existe sur la digue à Dinard. Il faut revoir également l’éclairage, insuffisan­t le soir » .

Isabelle a été reçue à la mairie de Saint-Malo par une adjointe « qui s’est engagée à m’aider » . Elle attend toujours que la CCI, gestionnai­re du port, réponde à ses appels.

Avec ses amis, elle a aussi lancé une pétition « pour une vraie sécurité des quais et bassins de Saint-Malo » qui a recueilli environ un millier de signatures en quelques semaines. « Tout le monde n’est pas d’accord avec ma démarche, notamment des pêcheurs qui me l’ont fait savoir. Je ne demande pas des quais hyprasécur­isés mais un minimum. Les ports du Havre et de Dieppe ont sécurisé certaines portions portuaires piétonnes avec des rambardes. Ça n’a pas dénaturé le paysage, ni gêné les voileux » .

« Ces bassins sont de vrais tombeaux à ciel ouvert »

« J’irai jusqu’au bout de ma démarche, fait bien comprendre Isabelle. On ne peut pas donner un sens à la mort de son enfant mais on peut en donner un à tout ce qu’on fait derrière… »

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