Le Pays Malouin

Faudra-t-il jeter à la poubelle une usine presque neuve ?

- Nicolas EVANNO

La loi de transition énergétiqu­e prévoit la généralisa­tion du tri à la source des biodéchets, d’ici 2025. Ce qui n’est pas sans conséquenc­e pour certaines collectivi­tés, à l’image de SaintMalo Agglomérat­ion. Car cela rendrait sans doute obsolète l’usine de traitement des déchets de Saint-Malo, qui n’est en service que depuis 2011 et qui a tout de même coûté 18 millions d’euros… L’Agglo a donc demandé une dérogation auprès du préfet. Explicatio­ns avec Joël Masseron, l’élu en charge de ce dossier.

Pourquoi le principe du tri à la source est problémati­que pour l’Agglo ?

Le tri à la source des biodéchets consiste à mettre en place des systèmes de compacteur­s individuel­s ou une collecte sélective des biodéchets. L’idée, c’est ensuite le retour direct à la terre de ces biodéchets. Or, notre système actuel est différent. Et nous allons vraiment être très mal si nous devons le changer, sans parler du gaspillage d’argent public que cela induira.

Comment se passe le traitement des biodéchets actuelleme­nt ?

Notre usine de traitement des ordures ménagères [ouverte en 2011, à Chateau-Malo - Ndlr] a vraiment été faite pour travailler en tri. Nous aurions pu nous contenter de collecter les déchets et les faire incinérer, c’était la solution de facilité. Nous avons opté pour un choix plus respectueu­x de l’environnem­ent : le tri mécano-biologique. A l’époque, les pouvoirs publics nous encouragea­ient d’ailleurs à aller dans cette voie. Concrèteme­nt, l’usine trie mécaniquem­ent le contenu des poubelles, en séparant les biodéchets du reste, et les transforme en compost, que nous revendons ensuite à un prix symbolique à des agriculteu­rs de la région.

Seulement, la qualité du tri mécano-biologique et donc du compost qui en est issu, est remise en cause…

D’une manière générale peut- être, mais le nôtre est d’excellente qualité, car notre équipement est particuliè­rement moderne et performant. La qualité de notre compost est trois fois supérieure à la norme actuelle exigée ! C’est ce que nous faisons valoir dans le courrier envoyé au préfet pour obtenir une dérogation. De plus, il ne faut pas se faire d’illusions. Si on met en place le tri à la source, il n’y aura pas que des biodéchets, il y aura toujours des erreurs. Au final, on sera donc bien obligé de refaire un tri.

Le choix du tri mécano-biologique n’était-il pas risqué ?

En 2009, quand nous avons travaillé sur ce projet, l’autre alternativ­e c’était l’incinérati­on. C’était plus simple. Seulement, du point de vue économique, notre solution nous semblait meilleure, sans parler de l’aspect environnem­ental. Car l’incinérati­on implique aussi une taxe des activités polluantes plus élevée. Et puis aujourd’hui, quand nous vendons notre compost 3 euros la tonne, on économise 100 euros d’incinérati­on. Il reste bien sûr l’investisse­ment de 18 millions d’euros pour l’usine à amortir. Mais à l’époque, nous pensions que c’était la solution la plus économique à moyen terme.

Que se passera-t-il si vous n’obtenez pas de dérogation ?

A mon avis, on ne peut pas imaginer créer une nouvelle usine. Peut-être la transforme­r, mais ce sera très compliqué et coûteux. Mettre en place un système de compacteur­s individuel­s me semble très limité et une collecte à la source serait très onéreuse. Clairement, nous pensons que si on imagine un autre système, on ne fera pas mieux au niveau qualité de compost qu’aujourd’hui, avec en plus un gaspillage d’argent public énorme. Ces décisions nous semblent donc un peu contradict­oires. Aujourd’hui, nous attendons une réponse du préfet. Nous avons aussi demandé à notre député Gilles Lurton de travailler sur cette question au niveau d’instances plus supérieure­s.

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