« Il a oublié la gamine, il n’a vu que sa poitrine »
Un quadragénaire était jugé jeudi dernier pour atteinte et agression sexuelle sur une adolescente. Il a été condamné à 2 ans de prison avec sursis.
23 ans : c’est ce qui sépare le prévenu, 45 ans, de la jeune femme de 22 ans assise sur le banc des victimes.
Cet homme proche de ses parents adoptifs, et membre de la famille, aurait abusé d’elle quand elle était encore mineure.
Vers l’âge de 13 ans tout d’abord. Alors âgé de 36 ans, il aurait eu des gestes inappropriés, qualifiés d’atteinte sexuelle par la justice. Une main s’attardant sur la nuque et la cuisse et puis un baiser sur la bouche.
L’homme est aussi poursuivi pour des faits plus graves d’agression sexuelle : des baisers sur la poitrine de l’adolescente alors âgée de 16 ans dans un parking de Dinan, une main glissée dans son maillot de bain et cette pénétration digitale à deux reprises, à la piscine, lors d’un week-end à Trégastel.
Des faits que la victime mettra quelques années à révéler. « Elle ne voulait pas bouleverser l’équilibre familial et briser le coeur de la femme qui l’a élevée », explique son avocat Me Tricheur. C’est la perspective d’un nouveau week-end « en famille » dans un gîte qui la poussera à raconter ce passé qui la hantait.
« Elle se collait à moi »
À la barre du tribunal, son présumé agresseur, qui vit dans les Côtes-d’Armor, crie son innocence : « Je ne comprends rien », «c’est complètement faux », répète-t-il.
Poussé par le tribunal à expliquer sa relation avec l’adolescente, le quadragénaire rejette la faute sur la plaignante. Aguicheuse, séductrice, à l’entendre, c’est elle qui aurait joué les Lolita. « Elle se collait à moi », dit-il, et « demandait toujours à aller à la piscine avec nous ». Et puis, c’est elle qui aurait été à l’origine d’un baiser entre eux : « Elle m’a demandé un peu d’argent. Je lui ai donné 10 euros. Pour me remercier, elle m’a embrassé sur la bouche. J’étais sidéré ».
Cette main vue sous la table
Sa défense vacille pourtant quand le président du tribunal de Saint-Malo exhume cet épisode au restaurant raconté aux gendarmes par son épouse : « Elle vous a vu toucher la cuisse de la victime sous la table ».
1 000 euros sous l’oreiller
Autre élément qui sème le doute : ces sommes d’argent que dit avoir reçu la jeune fille en échange de son silence. Dont une fois 1 000 euros en liquide glissés sous son oreiller. La gendarmerie a en effet retrouvé la trace de ce retrait bancaire sur les comptes du prévenu, se sentant obligé de se défendre en invoquant une pratique interdite : «C’était pour payer au noir deux gars qui construisaient mon garage ».
Récit « cohérent »
Et puis, il y a les conclusions de l’expert psychiatre qui laissent à penser « qu’on peut accorder une certaine confiance » à la plainte de la jeune femme. Selon le rapport du psychiatre, la victime est l’auteure «d’un récit cohérent ». D’un « bon niveau intellectuel », elle n’a pas non plus «d’idées délirantes » et souffre de maux (angoisses, troubles alimentaires, etc.) « qu’on retrouve chez les victimes d’abus sexuels ».
« Ce n’est pas un dossier parole contre parole », insiste son avocat Me Tricheur. « Il y a des faits précis, des paroles confortées et des contradictions chez le prévenu. Ma cliente ne parle pas de vengeance, ni de prison. Elle veut simplement être reconnue en tant que victime. Elle veut l’entendre reconnaître les faits ».
En réparations, Me Tricheur réclame pour la jeune femme la somme totale de 15 000 euros de dommages et intérêts.
Pour le Parquet de Saint-Malo, pas de doutes là non plus. Même s’il n’est pas considéré comme « pervers » par l’expert psychiatre, le quadragénaire est coupable des faits qui lui sont reprochés. « Il n’a vu que la poitrine d’une gamine en avance sur son âge. Il s’est arrêté à une apparence physique. Il a oublié la petite fille ». Et pour sa peine, la procureure Christine Le Crom réclame trois ans de prison avec sursis, l’obligation de se soigner et l’interdiction d’exercer une activité au contact des mineurs.
Pour la défense, représentée par Me Nathalie Amil, ce dossier contient trop d’incertitudes et de contre-vérités. Pour elle, son client ne peut donc être condamné.
Deux ans de prison avec sursis
Une conclusion que ne partage pas le tribunal de Saint-Malo qui a finalement condamné le quadragénaire à deux ans de prison avec sursis, l’obligation de soins et son inscription au Fichier national des auteurs d’infractions sexuelles. Le prévenu devra également verser 9 200 euros à sa victime.
Sa. S