Un projet de tunnel qui éloignerait Jersey de Saint-Malo
Un tunnel sous-marin qui relierait Jersey au Cotentin en 17 minutes ? Ce n’est plus un poisson d’avril puisque l’idée est accueillie avec enthousiaste par les élus anglo-normands. Mais cela pourrait léser le port de Saint-Malo.
e n’est plus un poisson d’avril ! Ministres et chefs d’entreprises de Jersey et Guernesey accueillent avec enthousiasme l’idée d’un tunnel qui relierait Jersey en 17 minutes à la région de Carteret.
La Région Bretagne et SaintMalo doivent-ils investir 150 millions d’euros dans une gare maritime neuve qui serait sous employée si une grosse fraction du trafic avec les Anglonormandes s’évaporait ? La somme représente une fraction importante de la facture d’un tunnel (entre 250 millions d’euros et 1,2 milliard d’euros,
C80 km) unissant Guernesey et Jersey au Cotentin. La question mérite d’être posée car les îles coagulent plus de la moitié du trafic passager du port malouin.
Or, mercredi 6 mars, chambres de commerce, hôteliers, entrepreneurs, gouvernements de Jersey et Guernesey... étaient réunis autour des experts scandinaves de l’art de creuser des tunnels sous-marins et d’en faire des succès. Les experts nordiques étaient Teitur Samuelsen, directeur général des tunnels des îles Féroe (Danemarkk), Avild Petter Søvik, DG du réseau des tunnels norvégiens (70 dont 40 sous marins), et le professeur Eivind Grøv, consultant pour les projets de tunnels nord-européens.
Quid de Condor ?
Résultat sur sondage en fin de réunion : dans les îles, on ne rit plus de l’idée d’un lien fixe avec la France. On souscrit !
On en a même énuméré les nombreux avantages : fin de l’isolement résultant de la météo de la Manche, des pannes de bateau et du terrible Brexit !
Fin aussi de l’éloignement sanitaire. Possibilité d’employer des travailleurs transfrontaliers sans avoir à les loger (Jersey Carteret en 17 minutes de tunnel !).
Accès par extension aux millions de touristes visitant le Mont Saint-Michel et les sites du Débarquement ! Et comme les Jersiais savent calculer : un amortissement sur moins de 30 ans pour un chantier d’une durée de 5 à 7 ans ! Donc, de quoi se faire du souci pour la pérennité du transporteur Condor Ferries dont la convention avec les îles arrive à échéance en 2025 !
Plus question d’un pont transmanche
Plus question d’un pont cette fois comme dans les délires antérieurs mais d’un tunnel automobile. Un pont sur la Manche est désormais vu comme une relique anti-écologique. Reposant sur de nombreux piliers, il abîmerait les fonds marins. Un pont aurait aussi le désavantage de créer un écran dans le paysage (comme le projet de la future gare maritime malouine !), de susciter du bruit et de la pollution avec un passage estimé à plus de 20 000 voitures/ jour. Sans compter les aléas climatiques, vents, et pluies torrentielles qui pourraient contraindre à le fermer certains jours.
« Plus de supermarchés vides ! »
Ce qui est recherché avec le creusement d’un tunnel c’est la sécurité de l’approvisionnement des îles. « Plus de supermarchés vides ! », scandent les responsables économiques. Et de bénéficier d’un réservoir de main d’oeuvre normande sans avoir à la loger ! On éviterait aussi de bétonner à tout-va à Jersey pour héberger une population qui passerait de 100 000 à 150 000 habitants à son zénith.
Jersiais et Guernesiais lorgnent aussi sur les hôpitaux français, alors que les établissements insulaires, incomplets, imposent des délais à rallonge aux patients. Comme le NHS à Londres ! Enfin, le coût de pouce du travail et du tourisme à l’économie éviterait de faire grimper les taux d’imposition deux à trois fois moins élevés dans les îles qu’en France.
Rien sans une coopération française !
L’expérience nordique du financement et de la réalisation (150 en cours) des tunnels terrestres et sous-marins emporte la conviction des entrepreneurs et politiques insulaires. Même si quelques voix discordantes se font entendre : un bon hôpital à distance n’en remplacera jamais un à domicile, acquérir des cargos et des ferries supplémentaires suffirait à assurer la sécurité matérielle des îles...
Or les îliens pressés veulent maintenant passer au chiffrage et au calendrier de l’opération. Elle est vue comme la dernière chance de ne pas demeurer isolé.
Reste, tout de même (!) à s’assurer du concours français sans quoi le projet serait mortné. Et d’aménager la législation. Pour l’instant, le Brexit continue à provoquer bouchons, discussions et déconvenues aux guichets de la police des frontières malouine !