À Saint-Malo, Dinan, c’est fini ?
Voilà une scène bien énigmatique qui s’est déroulée sous nos yeux ébahis au tribunal de Saint-Malo, et qui soulève une question : alors que depuis la fermeture du tribunal de Dinan en 2011, les affaires dinannaises étaient jugées à Saint-Malo, serait-ce la fin de ce système ?
Mardi 2 avril, comme à l’accoutumée, plusieurs prévenus habitant Dinan avaient vaillamment franchi la frontière brétilienne pour être jugés en correctionnelle par les juges malouins dès 13h30. Mais à peine arrivés, voilà qu’ils ont été aimablement remerciés.
La magistrate en charge de l’audience a ainsi fait venir un à un à la barre les mis en cause qui avaient commis des délits dans la région dinannaise et leur a servi le même discours : le tribunal de Saint-Malo est devenu incompétent pour juger leur affaire. Ainsi les justiciables qui avaient pourtant répondu à une convocation qui leur était adressée, posant alors quelque après-midi de congé, ont été priés de revenir pour leur procès en octobre... et à Dinan ! Avec un petit « désolée pour le dérangement », quand même.
ls expliquent avoir quitté le Daghestan, une république russe fédérée, en famille et dans la précipitation, quand ce jeune père a été menacé d’être enrôlé dans l’armée.
Avec sa femme et ses deux enfants, il dit avoir risqué sa vie, fait appel à des passeurs et déboursé 300 000 roubles (un peu plus de 3 000 €) pour les payer.
Arrivés à Nantes, ils sont devenus sans domicile fixe, et ont erré par-ci par-là. Parfois accueillis, parfois à la rue.
IDes sacs pleins de vêtements neufs
Quelques mois plus tard, le père, la mère, et la grand-mère, qui est en France depuis 13 ans, se retrouvent dans la salle d’audience correctionnelle du tribunal de Saint-Malo.
Le 12 mars dernier, ils ont été repérés par la gérante d’une boutique du centre commercial
Le Cézembre à Saint-Malo. Depuis plusieurs jours, ils traînent sur les parkings et elle en est sûre : ils volent. Effectivement, dans leur voiture, les agents de police retrouvent de gros sacs pleins de vêtements neufs. Trois magasins de vêtements ont été pris pour cible.
Un réseau ?
Le couple explique n’avoir pas les moyens de vêtir leurs deux enfants, ce qui expliquerait que les rayons enfants étaient particulièrement visés. Et puis ils offraient quelques vêtements à ceux qui les accueillaient parfois.
Une version à laquelle la directrice d’un de magasins ne croit pas : « Il y a tout un réseau qui vole des séries entières ». Hasard du calendrier, elle était ce jour-là justement en formation… sur le vol.
Le procureur ironise : « Moi je veux bien que les enfants grandissent et que les pantalons se déchirent, mais j’ai compté… On ne peut pas parler d’état de nécessité quand on vole 30 pantalons, 11 vestes, 50 tee-shirts, 8 robes… sur une seule journée, on a plus de 2 400 € de préjudice. »
L’avocat se fend d’un petit sarcasme pour les gérants des boutiques dont les articles sont bien souvent fabriqués à l’étranger : « Plutôt qu’une formation sur le vol, je propose une formation sur le travail des enfants au Bangladesh. »
Ses jeunes clients, assistés d’un interprète, sont condamnés à 4 mois de prison avec sursis simple. La grand-mère, déjà condamnée six fois pour des vols, écope de quatre mois de prison ferme.