Mon petit chemin, qui sent le crottin

« Ce petit chemin, qui sent la noisette, ce petit chemin, n’a ni queue ni tête. » La ritournelle surgit systématiquement dans ma tête lorsque je passe la barrière du parking Saint-Martin et que je m’engage dans le chemin qui traverse le haras pour rejoindre le centre-ville de Lamballe. Un refrain sautillant que Mamie Jeannette entonnait systématiquement quand nous étions en balade. La voix chevrotante, elle vrillait un peu trop dans les aigus qui venaient picoter mes tympans de petite fille. Elle n’allait jamais plus loin dans les paroles, continuant à fredonner et répétant à l’infini « ce petit chemin qui sent la noisette. » Ça aurait pu devenir lassant à la longue, mais pas pour moi.

Tous les matins avec Mamy Jeannette

Quand je l’entendais entonner sa rengaine, mon sourire s’étirait forcément. C’est que nous étions en balade pour ramasser des noisettes, des mûres ou des châtaignes selon la saison. On allait rentrer bientôt dans sa bicoque, se régaler pour le goûter de ses confitures et de son pâté de lapin maison. Ça allait sentir le café, les tartines grillées et les poils mouillés de son chien qui s’était roulé dans les champs. On allait crier et rigoler autour d’une partie de cartes en l’entendant médire sur les vieilles carnes du quartier... C’est qu’on était mercredi ou samedi après-midi, et que je voudrais que ce ne soit jamais fini.

Ça fait un bail que je n’ai plus fréquenté les petits chemins de Mamie Jeannette. Maintenant, j’ai le mien. Il est un peu moins long, moins perdu et plus civilisé et il sent plus le crottin que la noisette. Mais c’est mon petit chemin, que j’emprunte presque tous les matins, en pensant à elle. Et s’il pleut, je prends mon pépin. J’en ai un rose flamboyant que j’adore sortir les jours de mauvais temps. Et je me cache sous mon « p’tit coin d’parapluie, mon pt’it coin d’paradis », comme chantait Brassens. Ça, c’est avec ma mère que je le chantais. Mais c’est une autre histoire...