Le Penthièvre

Leur fille de 7 ans est décédée après une erreur de diagnostic d’un médecin

Le tribunal correction­nel de Saint-Brieuc est appelé à statuer sur le cas d’une médecin régulatric­e du SAMU qui aurait mal diagnostiq­ué l’état d’une petite fille, décédée peu après.

- •

es faits remontent au mois L de janvier 2017, à Lohuec, près de Callac, dans les Côtes- d’Armor. Une maman découvre le corps sans vie de sa petite fille, âgée de 7 ans. Celle-ci est couchée sur le dos dans son lit, elle ne respire plus.

Peu après 21h30, la maman fait appel aux secours. Elle compose le 18. Après avoir exposé la situation, dans un premier temps à un pompier, puis à une assistante de régulation médicale, elle est mise en relation avec une médecin. Cette dernière est généralist­e dans la région briochine depuis 1988.

Depuis 2007, elle effectue, quatre nuits par mois, une permanence en tant que médecin régulateur du SAMU. A minima deux médecins répondent aux différents appels téléphoniq­ues passés au centre 15. L’un est hospitalie­r, les cas les plus graves lui sont présentés. Le second est généralist­e, il traite quant à lui les situations paraissant relever de la médecine générale.

L’enregistre­ment audio de l’appel des secours

Cet enregistre­ment est décisif dans l’étude de ce dossier. La présidente du tribunal correction­nel de Saint-Brieuc fait une lecture complète de la conversati­on.

La mère de famille explique que sa fille a vomi une texture pâteuse, de couleur marron, lui faisant penser à du chocolat. Dans l’enregistre­ment, on peut entendre la fillette gémir.

La médecin pose peu de questions, elle ne se montre visiblemen­t pas curieuse. Elle explique que la couleur du vomissemen­t vient probableme­nt du « coca » que la petite fille a bu dans l’après-midi. La médecin précisera ne pas avoir entendu les gémissemen­ts de la fillette.

Il s’agissait d’une occlusion digestive haute. Les douleurs abdominale­s s’atténuent lorsque la nécrose s’installe. C’est ce qui peut être trompeur et faire penser à une améliorati­on. Puis vient l’altération de la conscience, le coma puis le décès.

Des expertises accablante­s

Deux médecins légistes de Rennes ont étudié ce dossier dans le cadre de l’informatio­n judiciaire qui a été ouverte.

Pour ces praticiens, l’interrogat­oire est succinct, superficie­l, inadapté. Aucune question n’est posée afin de savoir si la fillette ressent des douleurs.

Autre point relevé par les experts et qui aurait dû alerter, le refroidiss­ement des extrémités de la jeune victime. Au cours de l’appel, la maman précise que sa fille est glacée. Pour les deux légistes, ceci est un signe de gravité d’une telle situation.

Au cours de la conversati­on, la médecin régulatric­e préconise à la maman de couvrir sa fille et de la mettre à la diète : « elle est grande, elle ne va pas se déshydrate­r. » – Cette affirmatio­n est totalement fausse pour les légistes. En fin de conversati­on, la mère de famille répète au médecin : « J’étais paniquée par la couleur marron des vomissemen­ts, comme du chocolat. » – La réponse est la même : « C’est probableme­nt le coca. » Les experts s’étonnent du fait de ne pas avoir envisagé qu’il pouvait s’agit de « vomissemen­ts fécaloïdes » . C’était malheureus­ement le cas…

«

J’ai fait le maximum, j’estime être un bon médecin

»

À la barre, comme lors de sa garde à vue et comme lors des auditions devant la juge d’instructio­n, la médecin estime ne pas avoir commis d’erreurs. La présidente et ses assesseurs la questionne­nt longuement sur le manque de questions posées à la mère de famille durant l’appel. « C’est à vous de poser les questions, cette maman n’a pas fait d’études de médecine » , indique la présidente.

En décembre 2009, un patient était décédé après un appel au 15, avec cette même médecin à l’autre bout du fil. Néanmoins, en juin 2017, un non-lieu avait été rendu dans cette affaire.

La prévenue a par ailleurs été condamnée pour escroqueri­e au préjudice de la CPAM, à une peine de 6 mois d’emprisonne­ment avec sursis et 7 000 euros d’amende en septembre 2017.

Le ministère public requiert une peine de 18 mois d’emprisonne­ment avec sursis et une amende de 15 000 euros. L’avocat de la défense plaide la relaxe et demande au tribunal de se déclarer incompéten­t pour les intérêts civils. Il précise que sa cliente intervenai­t en tant qu’employée d’un service public, ce serait donc au tribunal administra­tif de statuer sur les dommages et intérêts.

La prévenue, âgée aujourd’hui de 62 ans, devra attendre le 16 mai pour connaître l’issue du délibéré. Elle clôture les débats en ces termes : « J’ai fait le maximum, j’estime être un bon médecin » .–

S.K.

Newspapers in French

Newspapers from France