Le Perche

Une vie en dehors du système

À 34 et 35 ans, ce couple percheron vit en marge de la société. Des conditions « sauvages » en adéquation avec leur manière de penser et une volonté assumée de se démarquer des autres.

- H. Deshors

Marginaux. Ce n’est vraiment pas un couple comme les autres. Anthony et Manon ont 34 et 35 ans. Les Percherons ont depuis quelques années décidé de vivre « à la sauvage » . Vous pouvez les apercevoir parfois du côté de la forêt de Bellême, et les croiser dans certains villages du Perche ornais.

Sans téléphone, sans voiture

Leur mode de vie pourrait être qualifié de « roots ». Littéralem­ent proche des racines… « Nous vivons par nos propres moyens, explique Anthony, qui dans un souci de liberté, a préféré avec son amie garder l’anonymat. Nous cultivons cette philosophi­e depuis maintenant cinq ans ».

À la base, un profond ras-lebol contre la société. « Nous vivions dans un modèle qui ne nous plaisait pas. Un modèle capitalist­e où seuls l’argent et le profit ne comptent. Notre place n’y était pas du tout ».

Aux grands discours, ils ont choisi les actes : pas de téléphone portable, pas de voiture, pas de cartes bancaires. Une vie avec le strict minimum.

Alors, sur le papier, qu’est-ce que ça signifie ? « Clairement, nous vivons au jour le jour, sans se soucier du lendemain » . Des aventurier­s des temps modernes en quelque sorte.

« On se soigne par nos propres moyens »

Côté hygiène, forcément, le confort n’y est pas. Mais les deux acolytes en sont conscients. « Nous savions qu’avec ce mode de vie, nous aurions des inconvénie­nts » . Les douches improvisée­s dans les lacs et rivières - « avec de l’eau à 6 degrés » - et les besoins dans la nature ou dans les toilettes publiques. « On s’adapte comme on peut ».

Et que dire des soins médicaux ? « On se soigne par nos propres moyens ».

Côté habitation, si on peut l’appeler comme ça, c’est simplement une tente de fortune. « Certains amis nous hébergent mais le plus souvent, nous installons notre tente là où la nature nous accueille ».

S’aventurer ailleurs

Les relations avec la famille dans tout ça ? « Elles ont toujours été compliquée­s, souligne Anthony. Mon père n’a jamais vraiment compris ma façon de fonctionne­r. Même si on se parle encore, par l’intermédia­ire d’autres personnes. Ma mère, quant à elle, subissait davantage la vie qu’elle ne la vivait. Elle est décédée il y a plus de dix ans ».

Les moyens de déplacemen­t se résument à faire du stop. « Au début, cela fonctionna­it mais de plus en plus, les gens n’osent plus s’arrêter. Notre côté sauvage fait peur. Je peux comprendre même si nous ne sommes pas des marginaux » .

Ce qu’ils aiment, c’est se balader et être en phase avec la nature. « Cela fait doux rêveur mais puisque c’est ce que l’on recherche » .

Anthony et Manon ont aussi des envies d’ailleurs et quittent parfois les frontières pecheronne­s pour s’aventurer ailleurs. « Voir d’autres personnes, découvrir autre chose, c’est ce que nous aimons faire ».

Travailler pour manger

Pour subvenir à leurs besoins, les deux aventurier­s font des petits boulots. « De temps en temps magasinier­s ou bien travailleu­rs dans les champs, cela nous permet d’acheter de quoi manger » .

Bien évidemment, « nous essuyons pas mal de refus car certains craignent notre façon de vivre. Mais pourtant, au travail, nous sommes irréprocha­bles ». C’est pourquoi la plupart du temps, la recherche de ’’jobs’’ se fait par l’intermédia­ire de connaissan­ces. Et la rémunérati­on : que des espèces.

Peut-être que plus tard, « on rentrera dans le rang. Pourquoi ne pas écrire même un livre sur notre parcours, mais aujourd’hui, nous sommes très contents de notre mode de vie qui nous correspond » .

Qui a dit qu’on était malheureux sans argent ?

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