Le Perche

Joueur invétéré, l’artisan de Mortagneau-Perche refuse de parier sur sa peine

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La Ferté-Macé.

Un artisan de Mortagne-au-Perche (Orne) a comparu mercredi devant la cour d’appel de Caen pour abus de confiance. Entre 2005 et 2006, alors agent commercial, l’homme a détourné plus de 40 000 € de chèques pour financer son besoin de jouer. Il est alors addict aux paris sportifs. Ses victimes ? Des clients de La Ferté-Macé (Orne) et de Céaucé (Orne) qu’il connaît bien et à qui il emprunte l’argent pour, officielle­ment, financer des travaux.

« L’audience sera courte » . L’avocate du prévenu ne croit pas si bien dire. L’affaire n’est pas encore appelée que le président de la cour d’appel l’interpelle avec son client. Le magistrat ne cache pas sa surprise. Le prévenu qui se tient devant lui conteste une peine prononcée par la cour d’appel, qu’il avait pourtant acceptée en première instance. C’est exactement la même. « Vous pouvez aussi être condamné à plus gros, vous le savez ça ? » , l’interroge Henri Ody. Le sexagénair­e est surpris. Il semble ne pas bien saisir les enjeux. Faut-il juger l’affaire ?

Son avocate justifie la démarche. « Sa situation a changé, il ne joue plus depuis longtemps » , explique le conseil avant d’être interrompu. Le magistrat la coupe. Henri Ody veut seulement savoir si l’artisan maintient son appel ou non. L’avocate insiste et évoque les contrainte­s de son client. Désormais artisan, il travaille « de 5 heures du matin à 20 heures. Le port éventuel d’un bracelet électroniq­ue est impossible » , plaide l’avocate. Le magistrat renouvelle sa question. Faut-il juger l’affaire ?

L’intéressé ne répond pas. Il est perdu. Son avocate tente alors de sonder la cour sur la peine qu’elle pourrait être amenée à prononcer. Le président s’emporte. « Je ne suis pas marchand de tapis. On juge ou on ne juge pas. À vous de voir » , tranche Henri Ody. Là encore, aucune réponse. La cour décide de leur laisser quelques minutes pour y réfléchir. Deux ans de prison

Avant de se retirer, le président de la cour glisse une dernière allusion au casier du prévenu. L’homme a déjà été condamné pour des faits similaires. « On en tient compte. » L’avocate tique. Scène irréelle, elle se dirige alors vers les journalist­es présents dans la salle. Elle se penche. « Vous avez compris comme moi : c’est risqué, non ? » , questionne le conseil. Médusés, les rédacteurs éludent la question.

À la reprise de l’audience, l’artisan a pris sa décision. Il a longuement pesé le pour et le contre. Résultat : pas question de jouer son avenir profession­nel et sa peine à la roulette russe. « Mon client se désiste de sa requête » , tranche son avocate. Il écope donc de deux ans de prison dont un avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve de trois ans. La peine prononcée par le TGI d’Argentan et confirmée par la cour d’appel de Caen.

L’avocat général prend alors la parole. Marc Faury souligne qu’il a étudié la dernière jurisprude­nce et qu’il n’aurait « peutêtre pas » requis une peine aussi lourde que celle devenue définitive trente secondes plus tôt. L’avocate reste bouche bée. Le joueur aurait peut-être dû tenter sa chance.

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