Le Perche

Avec plusieurs témoignage­s de riverains, la piste du loup renaît dans le Perche

Signalemen­ts, brebis tuée, prédations de chevreuils : l’Observatoi­re du loup est formel : le loup rôde dans le Perche depuis des mois. Si sa présence n’est pas authentifi­ée, plusieurs témoignage­s récents posent question.

- • Vincent GUERRIER

« Je rentrais de Mortagne en voiture avec ma compagne. Et elle me dit «regarde dans le champ, on dirait un loup». Au début je n’y crois pas trop, mais je ralentis quand même. La bête est dans un champ avec des vaches qui lui font face, méfiantes. Il avait le poil clair, presque blanc, un corps élancé. Il est resté immobile pendant quelque temps, puis il est parti vers la forêt. Quand j’ai vu sa démarche dans les herbes hautes, je me suis dit « mais oui, c’est bien un loup. » Habitant à Saint-Mard-de-Réno, Christian est sûr de son observatio­n. C’est bien un loup qu’il a vu dans ce champ de Loisail, sur la D8, entre Saint-Mard-deRéno et Mortagne-au-Perche, le samedi 6 avril 2024. « J’ai déjà eu l’occasion de voir des loups dans des parcs, par le passé, je sais faire la différence avec un chien-loup ».

Le loup dans le Perche, l’informatio­n a toujours fait couler beaucoup d’encre, et nourrit bien des fantasmes. Pourtant, plusieurs témoignage­s récents sèment le trouble, y compris au sein de la communauté des chasseurs. «On nous a remonté des faits de prédation sur des chevreuils, qui sont typiques du loup », soulève Jean-Luc Valérie, fondateur de l’Observatoi­re du Loup, en 2013, une associatio­n chargée de collecter des données sur le loup, partout dans le pays. Il est même catégoriqu­e : « C’est évident, le loup est présent dans l’Orne. Dès 2018 nous avions des faits de prédation, de chevreuils et de chèvres du côté de Bailleul, avec des marques de crocs de 7,5 mm. »

Une attaque en avril 2023

Plus troublant encore, un éleveur du Perche, qui tient à rester discret, raconte des faits qui se sont déroulés il y a tout juste un an, en avril 2023. « Un collègue a retrouvé sa brebis morte. Elle était ouverte à la gorge, et totalement éventrée. Le troupeau a divagué partout. C’était au minium un gros chien. Mais quelques jours avant, j’avais vu une bête rôder dans les environs. Je pensais d’abord à un gros renard pas en forme, qui perdait son poil. Je ne l’ai vu que de très loin. Et quand il y a eu l’attaque, j’ai pensé à autre chose. » À cette époque, l’OFB n’a pas pu prouver que l’attaque était bien causée par un loup. « Toutefois, la piste n’était pas écartée », indique l’éleveur.

Aucune preuve officielle

Olivier Dauvin, responsabl­e de l’OFB dans l’Orne, le confirme : les autorités n’ont jamais pu identifier formelleme­nt le loup dans l’Orne, depuis sa disparatio­n au début du XXe siècle. « Quand nous recevons des alertes, on analyse les données. On recherche des empreintes génétiques, on analyse des photos, ou mieux des vidéos, car c’est nettement plus simple de déterminer s’il s’agit d’un loup. Quand des dégâts sont constatés sur des animaux, on demande à être prévenu et on réalise des prélèvemen­ts, on recherche d’indices. Dans l’Orne, nous n’avons pas la compétence en local, on envoie nos données à notre réseau qui détermine assez vite s’il s’agit du loup. Si la présence du loup est confirmée, il est engagé des procédures d’indemnisat­ion. »

Observé partout ailleurs

Ce fut le cas dans tous les départemen­ts frontalier­s de l’Orne : la Manche (un loup a été officielle­ment observé à l’été 2023), dans l’Eure (à Mesnil-en-Ouche, non loin de Rugles, en 2021) en Seine-Maritime (en 2020), dans le Calvados (en 2022) et même en Eure-et-Loir en 2020. « Il est irresponsa­ble de penser que le loup n’est pas présent dans l’Orne », fait entendre Jean-Luc Valérie, de l’Observatoi­re du Loup. En 2023, il affirmait que trois loups étaient présents dans le secteur de La Ferté-Bernard, et dans la forêt de Bellême. « Dans l’Orne, il y a deux zones actives. Entre l’Orne et le sud-manche, et dans le Perche. Les données que l’on cumule, les zonages que l’on peut établir, nous montrent que les loups sont sans doute dans une phase d’installati­on ». Il estime à une dizaine le nombre de loups en Normandie.

Un territoire propice

Le président d’associatio­n se veut assez critique contre les autorités. «Si on continue de penser que le loup n’est pas là, malgré tous ces signes, on va au-devant de gros problèmes. Prenons l’exemple dans l’est de la France : c’est un fiasco total. Les éleveurs n’ont pas été formés. Rien n’a été fait, le loup était là, il s’est reproduit, et il y a eu beaucoup de dégâts. »

Avec des zones ouvertes et fermées, des grandes forêts peu peuplées et remplies de gibier, le Perche est sur le papier un excellent terrain de jeu pour le loup.

Alors mythe ou réalité? Une chose est sûre, plusieurs spécialist­es du loup s’accordent sur un point : le loup solitaire peut parcours plus de 50 km par jour. Et sa présence officielle­ment reconnue dans les départemen­ts frontalier­s invite à penser qu’il a pu traverser le départemen­t, et notamment le Parc Naturel Régional du Perche.

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