Le Petit Bleu

Quatre veaux sur la quatre voies

L’attente aux urgences lui a paru interminab­le : un homme qui avait pris à partie une adjointe administra­tive et une infirmière était jugé par le tribunal de Saint-Malo.

- S.L

Un lundi d’avril à l’hôpital de Saint-Malo. Un homme de 71 ans se présente aux urgences accompagné de sa femme. Sa main est en sang, enroulée dans du sopalin. Après la morsure d’un chien la veille, une veine s’est manifestem­ent coupée.

Il passe à l’accueil où une infirmière « trie » les arrivées, en fonction de l’état du patient. On lui annonce que ce n’est pas une urgence vitale, qu’il va falloir attendre, sans doute une bonne heure.

Et le vieux monsieur, qui juge son interlocut­rice « pas très aimable » , n’est pas franche- ment d’humeur à prendre son mal en patience. Lorsqu’il passe devant l’adjointe administra­tive pour donner sa carte vitale, il s’agace. Sa main saigne abondammen­t depuis la veille. Selon lui, son cas mérite que l’on se presse. « Vous êtes des bons à rien ! On paye suffisamme­nt d’impôts pour être bien soignés ! Vous voulez que je vous asperge de mon sang ? » vocifère le monsieur.

N’y tenant plus, et ayant usé son rouleau de sopalin pour stopper l’hémorragie, il se présente de nouveau à l’accueil de tri. Il brandit sa main ensanglant­ée, pour montrer l’ampleur des dégâts, enlevant le papier absorbant. « Alors, c’est pas grave ? » crie le patient en passant son bras par la vitre ajourée. L’avocat de la soignante l’assure : « Du sang a giclé sur l’infirmière, elle a eu très peur » .

Et puis c’est une flopée de propos mécontents qui s’échappent.

L’homme paye l’ISF, il exige un service public de qualité.

Les deux jeunes femmes à l’audience se présentent comme « traumatisé­es » .

« Des violences, on en subit tous les jours, mais là c’était très très fort » ont-elles confié à leur avocat. Elles en ont obtenu 7 jours d’incapacité totale de travail. L’avocate du patient à qui l’on reproche des violences ne comprend pas : « Il faut replacer les choses dans leur contexte : elles ont déjà dû voir bien pire ! On est au service des urgences, normalemen­t des gouttes de sang on en voit tous les jours. »

Est-on vraiment encore soi- même quand on est souffrant ? Pour son avocate, la réponse est non : « Personne n’est plus vraiment soi-même en arrivant aux urgences ! Il a eu l’impression qu’on se moquait de lui, que des cas moins graves arrivés après lui passaient avant et qu’on l’oubliait volontaire­ment, lui faisant payer ses quelques agacements ».

De quoi faire monter la moutarde au nez d’un patient qui se vide de son sang d’après l’avocate du prévenu. Une fois pris en charge, il a dû recevoir deux transfusio­ns sanguines et subir une opération pour cautériser la veine.

Finalement déclaré coupable d’outrages, le septuagéna­ire sanguin écope d’une amende de 800 € avec sursis et devra verser 1 050 € à chacune des parties civiles, au titre de leur préjudice moral.

« Vous voulez que je vous asperge de mon sang ? » « Là c’était très très fort »

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