Des rumeurs salasses paralysent le mouvement scout catalan
Dans les Pyrénées Orientales, le scoutisme subit actuellement une certaine désaffection. Outre les scouts d'Europe et les scouts Sant jordi, les éclaireurs de France sont représentés, mais beaucoup de familles catalanes confient désormais leurs enfants avec méfiance, ou bien les retirent discrètement, depuis qu'une vilaine rumeur de pédophilie agite le milieu des scouts catalans.
Il faut dire que depuis six mois le mouvement subit le contrecoup du scandale révélé décembre 2014 au sein de l'UK Scout Association, le temple même du mouvement mondial créé par le colonel Robert Baden-Powell il y a plus d’un siècle.
En effet, pendant deux ans, dans le plus grand secret, l'UK Scout Association aura indemnisé des victimes d'abus sexuels commis par des chefs scouts. Depuis la fin 2012, l'association a versé plus de 500 000 livres (630 000 euros) en compensation à des dizaines de victimes. "Ce n'est que le sommet de l'iceberg", affirme le cabinet juridique Bolt Burden Kemp qui représente une partie des victimes. D'après la BBC, qui a révélé l'affaire, à ce jour, une cinquantaine de personnes supposées victimes d'abus sexuels ont saisi la justice.
Dans cette polémique, on retrouve les mêmes ingrédients des scandales en série de pédophilie qui n'ont cessé de défrayer la chronique criminelle britannique : la volonté de protéger la réputation d'une institution, la complicité de ses dirigeants avec la police et la justice pour étouffer l'affaire et l'omerta au sein de l'Establishment.
"Nous présentons nos excuses à tous ceux qui ont été abusés quand ils étaient scouts. La protection des jeunes scouts est notre absolue priorité", a déclaré un porte-parole de l'association en présentant son mea culpa. La position officielle était jusqu'à présent que le mouvement n'avait pas à verser d'indemnités puisque les auteurs d'abus sexuels supposés étaient des bénévoles, non des employés.
En 2010, déjà, le Français Gérald Debruyne, né dans une famille d'industriels armentiérois, fut accusé d'avoir abusé de plusieurs jeunes adolescents qu'il encadrait chez les scouts unitaires de France entre 1992 et 1994, à Sailly-sur-la-Lys.
A l'issue d'une délicate instruction, les enquêteurs avaient retrouve et interrogé les anciens scouts de la patrouille des loups. Plusieurs vont aussi mettre en cause leur ancien chef, alors âgé de 35 ans.
Ils reviendront sur les séquences de visionnages de films pornographiques qui s'achevaient dans le lit de leur guide ; ils se rappelleront ces camps d'été, dans le Var ou en Bourgogne, où les invitations à passer sous la tente du chef n'étaient pas innocentes.
Aux Etats-Unis, selon nos confrères du Nouvelobs.com (relayant l'agence Associated Press) les Boys Scouts américains ont été condamnés par un tribunal de l'Oregon à verser 18,5 millions de dollars (13,8 millions d'euros) de dommages et intérêts à Jerry Lewis, un homme victime d'abus sexuels commis par un ancien chef scout. Ses avocats avaient initialement réclamé 25 millions de dollars de compensation alors que l'organisation ne s'est jamais excusée auprès de la victime. Ce dernier se réjouit que "les grandes organisations ne soient plus au dessus des lois".
Les deux avocats sont parvenus à produire un millier de plaintes sur de pareils méfaits commis entre 1965 et 1985 au sein des Boys scouts américains, prouvant que l'organisme aurait du prendre des mesures pour empêcher que cela ne se reproduise. Le jury a considéré que les Scouts avaient fait preuve de négligence en confiant des enfants à l'ancien chef scout Timur Dykes, qui avait admis en 1983 avoir molesté 17 garçons !
Au Canada, Marc-André Laws, avait réussi à échapper à la justice depuis 2001, lorsqu'il avait commis ses premiers attouchements sur une fillette scout de 7 ans. Il a ensuite agressé deux garçons, dont un était membre des scouts, avant que ses victimes ne brisent le silence.
Mais pourrevenir en France, les cas s'y multiplient. Ainsi, l'instituteur de l'école Mirablon de Montlhéry, a été placé en détention provisoire. Soupçonné d'actes pédophiles dans le cadre de son engagement chez les Scouts et guides de France, il ne s'était jusque-là jamais fait remarquer.
L'homme, âgé de 33 ans au moment des faits en 2010, aurait violé et agressé au moins deux enfants de moins de 10 ans qu'il encadrait chez les louveteaux. Lors de sa garde à vue, il a reconnu les faits.
Pourtant, au fil des ans, cet habitant de Saint-Michelsur-Orge avait gagné la confiance de ses supérieurs scouts. « C'est lui qui était le responsable des louveteauxjeannettes (8-11 ans). Il avait de l'expérience, confie le responsable Antoine Dulin. Nous sommes tombés des nues lorsqu'on a appris la nouvelle. Nous n'avions rien remarqué. C'est consternant et odieux ».
Dans ces conditions, les plus folles rumeurs circulent aujourd'hui dans le milieu scout catalan. Chaque animateur d'un certain âge est imédiatement et odieusement soupçonné. Un père de famille perpignanais qui tient à conserver l'anonymat, nous confiait : "Chez les scouts d'Europe où l'encadrement est confié à des jeunes récemment sortis des rangs scouts, le problème ne se pose pas, mais dans toutes les autres obédiences scouts, la suspicion est générale et frappe, bien évidemment, les cadres adultes victimes de l'amalgame avec les scandales intervenus récemment aux Etats Unis et au Royaume Uni. C'est intolérable, mais c'est ainsi : le mouvement est désormais pourri par des histoires salasses dont il est innocent.."
Ces histoires salasses ne font aujourd’hui qu’attiser les rumeurs. Mais on dit que des familles auraient commencé à se regrouper et à interroger les enfants.
Affaire à suivre.