Le Petit Journal - Catalan

Marie, Jean, et les gens de Lamanere

Il reste encore de la vie

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D’un manière générale Lamanère n’est pas très animé. Quelques passants, un café ouvert, avec un gros chien affalé sur la terrasse. Nous engageons la discussion avec le propriétai­re, qui ne pense pas être le mieux placé pour nous répondre : « allez voir Marie et Jean». Discipliné­s, nous obéissons et nous nous rendons à quelques mètres de là. A l’intérieur de l’habitation, Marie est installée devant sa grande table, pendant que son mari, Jean, feuillette les journaux affalé sur une banquette. L’ambiance est paisible dans ce milieu d’été, baignée par la lumière du soleil qui disparaît peu à peu derrière les montagnes environnan­tes. La frontière est làbas, nous indique la souriante Marie, professeur d’espagnol durant ses années d’exercice profession­nel. Native du village, l’octogénair­e est la parfaite entrée en matière pour nous qui découvrons cette nouvelle frontière franco-espagnole. Car si d’ici, aucune route goudronnée ne relie Lamanère directemen­t à l’Espagne, ça ne veut pas dire que les deux pays sont coupés l’un de l’autre. Loin de là. « Combien de fois j’allais danser la sardane, la danse traditionn­elle catalane, de l’autre côté de la frontière, se souvient la riante Marie. Ou combien d’Espagnols avons-nous accueilli durant la Retirada…» La Retirada, l’un des pires exodes qu’ait connu l’Espagne lors de la Guerre Civile faisant suite à la prise de pouvoir du général Franco. Les Républicai­ns fuyaient le pays, franchissa­nt la chaîne des Pyrénées aux endroits les plus accessible­s, comme Lamanère, haut lieu de la frontière depuis des décennies. Et des trafics : tissus, troupeaux, engrais, armes, huiles, etc, le village, qui fut également une cité vivant des mines et de la production d’espadrille­s, était une vraie plaque tournante de toutes les combines frontalièr­es. Contre lesquelles les douaniers ne pouvaient pas faire grand chose… D’ailleurs, nous confient encore Marie et Jean, dans un franc éclat de rire : « Ils logeaient au rez-dechaussée de la maison. Je peux vous dire que la nuit, on ne les voyait pas dehors. Ils avaient trop peur de se faire tabasser !» Aujourd’hui, les douaniers sont partis. Numériquem­ent, ils n’ont pas été remplacés. Mais pendant que les enfants du village allaient faire leur vie ailleurs, d’autres sont arrivés ces dernières années : des Allemands, des Belges, des Anglais ont choisi de rénover les antiques baraques de la charmante commune. Pour le plus grand bonheur de Marie, la Catalane : « Moi, je ne fais pas de différence : je suis juste heureuse de voir quand une cheminée fume. Ça veut dire que quelqu’un fait du thé anglais ou de l’ollada (soupe traditionn­elle catalane)...et qu’il reste de la vie. »

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