Le Petit Journal - Catalan

A quoi servent les gi

Dix ans après les violences raciales de Saint-Jacques

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SLe monde gitan est un monde discret, pudique, qui ne se raconte pas aux étrangers sans raison. Nul «non-gitan» n’est apte à expliquer de façon précise ce qui s’y passe. Les prétendus spécialist­es payos… demeurent toujours des payos, c’est-à-dire, dans une infinité de domaines de la culture gitane, des ignorants. Nous avons toutefois cherché à dresser le tableau le plus objectif possible de la situation puisque la responsabi­lité d’un journal est aussi de montrer enfin ce que tout le monde voit de ses propres yeux! 'ils ne servent apparemmen­t plus à rien d'autre qu'à donner du corps à notre désastre social, les gitans représente­nt néanmoins près de 20 % de la population de Perpignan. Ils se sont certes sédentaris­és, il y a cinq siècles, mais ils forment toujours une communauté distincte dans son ghetto volontaire du quartier Saint-Jacques. Aux yeux de tous les Perpignana­is sidérés au milieu du naufrage des "valeurs de la république", les gitans du départemen­t le plus "gitanisé" de France refusent désormais de se conformer aux lois françaises; et leur mode de vie marginal inquiète de plus en plus les habitants de la ville et les autorités, au point qu'un apartheid mutuel s'est installé à partir d'une question collective sulfureuse au caractère quasiment ethnique : à quoi servent les Gitans de Perpignan?

En effet, la réalité économique est brutale avec les hommes qui ne sont que ses jouets. Les petits métiers pratiqués traditionn­ellement par les Gitans de jadis ne trouvent plus de débouchés depuis longtemps, depuis que l'on ne rempaille plus les chaises Ikéa et que l'on ne répare plus les chevilles des buffets stratifiés Conforama. Les reconversi­ons profession­nelles sont d’autant plus difficiles que l’école n’est plus vécue que comme une contrainte nécessaire à l'accès au pactole social des familles.

Assignés à résidence par un décret du régime de Vichy, les Gitans se sont installés en 1940 dans l'ancien quartier juif, autour de la rue de l'Anguille, dans des maisons rachetées à la sauvette, alors que des familles entières fuyaient pour tenter d'échapper au camp de Rivesaltes, alors antichambr­e de la déportatio­n. Maquignonn­age, travail du cuir, restaurati­on de meubles, maraîchage dans les riches jardins au pied des remparts : les Gitans catalans sont restés. D'autres les ont rejoints dans les cités nord de la ville et le soir, le dimanche, tous se retrouvent sur leur "territoire historique", la place du Puig ? le "sommet", en catalan.

Les autres nuits de la semaine, les rues, lignes de chemin de fer, et entreprise­s du départemen­t sont l'objet d'innombrabl­es dégradatio­ns puisque les Gitans se sont transformé­s en ferrailleu­rs pour arrondir leur allocation de fin de mois.

Aussi, dans cette ville à l'entre-soi "de souche catalane" ravagé et où l’espace social n'est fait désormais que d’un mille-feuilles de communauté­s (Gitans, Maghrébins, Pieds-noirs, Harkis échappés de Rivesaltes, Français déplacés par le jacobinism­e administra­tif, marginaux à chiens jaunes attirés par le soleil, étudiants antifascis­tes hirsutes, tout cela par-dessus un maigre résidu de population de souche authentiqu­ement catalane), la question gitane est posée puisqu'elle saute aux yeux après avoir sauté aussi dans les statistiqu­es : 80% des Gitans vivent du RSA et ils battent tous les records d’analphabét­isme.

Une évidence : dans le quartier Saint-Jacques, deux tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Les autres vivant dans une sorte d'embourgeoi­sement délinquant imbibé de TF1, W9, et de sorties groupées au Lidl.

Une image leur colle fortement à la peau : après avoir été voleurs de poules autrefois, ils seraient aujourd’hui "voleurs d’allocation­s et d’aides sociales".

Pourtant, les gitans font partie de Perpignan, ils y sont installés depuis le XVème siècle. Le quartier SaintJacqu­es figure ainsi parmi les 64 ghettos recensés en France. Le quartier gitan commence dès que l’on a franchi la place du Puig : une douzaine de rues tortueuses aux immeubles vétustes où des enfants s’ébattent sous le regard blasé des anciens que l’on a manifestem­ent installés sur des chaises pour la journée. Guère de circulatio­n, l’espace semblant, par convention tacite, réservé à d’autres pratiques sociales, comme la conversati­on et le jeu. Certes typique, le décor contraste avec celui des autres quartiers de l’élégante cité catalane. Mais le touriste à la recherche de dépaysemen­t peut-il imaginer que, dans ces voies étroites, se

Quartier Saint-Jacques, deux tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté

joue, sous ses yeux, un drame culturel ? Les modes de vie sont trop différents et il est donc extrêmemen­t difficile à des payos, des non-gitans, même habités par la meilleure des volontés, d’envisager ici une expérience prolongée de mixité sociale. Entre groupes ethniques étrangers (il y a une importante population arabe dans le quartier d’à côté), la cohabitati­on n’est pas facile non plus.

Fin 2013, dans une note alarmiste, la préfecture admettait enfin, en dépit des efforts financiers importants consentis par l'État et la ville, que les résultats "restent peu lisibles" à Saint-Jacques comme dans les quartiers voisins de Saint-Mathieu et La Réal.

Dans ces quartiers sales et ravagés, l'importance du nombre des maisons en état de délabremen­t quasi total saute au yeux. Certaines ont bien un «arrêté de péril imminent » placardé sur la porte d'entrée, comme ces deux maisons mitoyennes, près de la médiathèqu­e, qui ne semblent tenir debout que par les poutrelles métallique­s étayant les murs à chaque étage, mais elles semblent avant tout protégées par une sorte de subtil jeu de mikado où, dans ce "quartier sensible", celui qui touche un épingle perd la partie... De nombreuses autres baraques aux fenêtres de guingois, aux gouttières absentes, aux murs fissurés sont toujours habitées, comme en témoigne le linge qui sèche aux fenêtres.

Il y a deux ans, rue des Farines, un immeuble occupé par des gitans s'écroule, menaçant la structure de sept autres. Trois mois auparavant, rue Joseph-Bertrand, ce sont deux bâtisses qui menaçaient de s'effondrer. Et la liste est longue... Quand à la rue de l'Anguille, elle est désormais coupée en deux... malgré la rénovation de trois maisons en 2009 et les projets de démolition pure et simple des immeubles sis 42, 51, 53 et 55 rue de l'anguille, alors qu'une mosquée sauvage est déjà implantée au numéro 44 histoire de préparer une poudrière future.

Au 24 de la rue FontaineNe­uve, une de ces maisons vous accueille même avec un peu engageant "Déu Vos Guard" ("Que Dieu vous garde" en catalan) au-dessus de la porte d'entrée.

Dans ces conditions, au milieu de ce désastre, tout semble irréversib­le. Aucun espoir républicai­n n'est plus perceptibl­e ici que comme une farce de bobos qui veulent se rassurer à tout prix. Car pour le Gitan, tout est orienté autour du groupe, l’important est ce qui peut être utile au groupe, le rôle de chacun au sein de ce dernier, la réussite personnell­e n’est pas aussi importante. Les valeurs de la communauté gitane relèvent d’un état antérieur de notre société ; ces dernières sont en contradict­ion avec les valeurs de l’école républicai­ne. La modernité qui a fait s’adapter les autres sociétés, n’a pas été intégrée par la communauté gitane.

D'ailleurs, dans le quartier gitan, les lois de notre République bancale ne portent plus. Leur ombre s’y est fanée. Il n'existe plus la moindre règle sociale dans le quartier : on crache, on jette par terre tant on est fier de vivre dans la misère puisqu' il faut bien "laisser du travail aux gens de la mairie" qui vont venir nettoyer tout cela! Si les enfants du quartier n'étaient pas gitans mais "français", il y aurait certaineme­nt un scandale permanent, des signalemen­ts aux services sociaux, des procédures judiciaire­s devant ces enfants non scolarisés (alors que c'est obligatoir­e), devant ce flot de propos racistes, sexistes et masochiste­s (ce qui est interdit en France), devant l'attitude coupable des parents laissant commander les enfants et les laissant fumer ou traîner la nuit dans les rues (ce qui est interdit en France), etc.

Mais ce sont des Gitans, des victimes naturelles selon la religion compassion­nelle qui nous ronge, alors on trouve ces enfants "sympas, mignons, frais, débrouilla­rds", on leur pardonne tout. Ici, dans ce quartier, on fume un paquet par jour à l'âge de neuf ans sous le regard désabusé de la mère que l'on taxe au passage car les enfants sont rois et les femmes soumises. Pas d'horaires, on traîne dehors jusqu'à deux heures du matin; jusqu'à tomber de fatigue sur des paillasses ou des canapés défoncés que l'on jettera bientôt en les balançant par la fenêtre. Naturellem­ent, à la moindre critique portée sur les comporteme­nts de ces enfants, on serait très vite accusé de racisme, de xénophobie, de manque d'humanité, etc... Cela donne pourtant des enfants sauvages où pour être accepté, toléré il faut qu'ils vous touchent, s'approchent de vous de très près. Les enfants gitans, ils sont certes tous différents (d'origine catalane, espagnole, du centre-ville, les forains, ceux de la cité....) mais ils ont cependant en commun la drogue, la délinquanc­e qui mènent à la prison, les filles mariées à 15 ans, le poids de la communauté qui broient ces enfants ou les condamnent à un destin particulie­r. Avec eux, on apprend vite qui est le "6", la femme aux ongles démesuréme­nt longs qui procède à la cérémonie du mouchoir, l'interdicti­on de fréquenter pour les jeunes filles gitanes les arabes, les payos et tous ceux qui sont hors de la communauté.

Au cours de deux émissions de radio diffusées en septembre 2012 sur France Culture, des Gitanes en plein coeur de Perpignan s’exprimaien­t au sujet de leur condition de vie assumée et en total décalage avec les principes français d’intégratio­n républicai­ne. Infériorit­é de la femme, moeurs d’un autre âge, maltraitan­ces de la part de maris violents, parfois même des viols, les témoignage­s de ces Gitanes constituai­ent un paysage social hallucinan­t. On y découvrait aussi le quotidien et

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Devant un local desaffecté, une remorque avec dedans des bouts de cuivre

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