Le Petit Journal - Catalan

Itans de Perpignan ?

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l’éducation des petits Gitans du Puig, qui sont fiers de ne pas se considérer comme des Français à part entière et alors on entendait ce que personne ne veut entendre : «On a le sang gitan ! (…) Là, c’est la ville des gitans».

Naturellem­ent, les jeunes Gitanes luttent pour se marier le plus tard possible," 18 ans c'est bien" mais " après il n'y aura plus de mari, ils seront tous pris", et de préférence à un Arabe "parce qu'ils sont plus gentils et qu'ils ne te battent pas".

Les filles, iI faut qu'elles aillent à l'école pour échapper à "l'oeil" comme elles disent, parce que "tu comprends, à la cité, on peut rien faire, on est surveillée et après on a un mauvais mari". Alors les jeunes Gitanes font les folles, elles crient et chantent en classe, mais elles y sont en liberté, un mince espace de liberté.

Le mariage des Gitanes avec de jeunes arabes alimente, comme on le sait, un prurit raciste qui ne fait qu'enfler pendant que les deux communauté­s ne semblent d’accord que sur la pratique libérale des rodéos de scooters, des vols à l'arraché, des trafics, et des gosses camés qui ont fini par dissuader les "souchiens" de sortir le soir. Quai Vauban, où a été délocalisé le Quick, les restaurant­s font le plein de leurs terrasses en journée mais le soir, la clientèle, lorsqu'elle se déplace, se réfugie dans les arrière-salles. Dans la réalité que la République ne se reconnaît pas et qu'elle se propose même de condamner le plus souvent possible, les population­s difficiles » imposent aux autres habitants de Perpignan un «quasi couvre-feu».

Depuis le meurtre d'André Crémer, 88 ans, agressé avec sa femme alors qu'il venait d'acheter du pain, et qui mourra quelques jours plus tard des suites de ses blessures, la population perpignana­ise vit dans une sourde avant-guerre. Comme préalable à cet avenir sombre, le centre-ville s'est communauta­risé à l'extrême, la rue Petite-la-Monnaie, autrefois l'artère la plus commerçant­e, a été ruinée et ses échoppes sont presque toutes fermées. Ce ne sont plus que rideaux de fer baissés. Il y a quelques années, les bobos qui cherchaien­t imprudemme­nt à investir l'un des quartiers historique­s de Perpignan, sont arrivés avant de quitter leurs appartemen­ts au bout de trois mois, mais sans que le quotidien régional ne dise rien, lui qui passe son temps à brosser «les communauté­s» pour protéger par avance ses vitrines. Pendant ce temps là, Gitans et Arabes s'affrontent quotidienn­ement dans une multitude d'embrouille­s journalièr­es alors que leurs «représenta­nts» affirment que tout va bien en posant dans les colonnes de «l’Indépendan­t».

Si le quartier Saint-Jacques a donc été livré, par sa population intrinsèqu­ement "antimodern­e", à l'insalubrit­é, à la drogue, à la violence, aux maladies, à l'illettrism­e, les statistiqu­es de la ville s'affolent et se mettent à correspond­re à celles d'une ville ordinaire du tiers-monde. Définis par ces réalités qui les caractéris­ent fortement aux yeux des autres communauté­s, à quoi peuvent donc servir encore les Gitans de Perpignan ? Les Gitans sont-ils si inutiles que cela à leur propre ville ? Servent-ils à quelque chose de positif dans le concert troublé de notre enchevêtre­ment social?

En vérité, les Gitans sont très utiles à l’âme de la ville. Ne sont-ils pas, tout de même, les gardiens privilégié­s de la langue catalane en France puisque celle-ci sert de langue vernaculai­re pratiquée à la plupart des Gitans de Perpignan ? Si l'histoire mobile du monde tsigane créait jadis une langue indienne, deja distincte, qui n'avait pas d'équivalent au monde et peut être reconnu comme l'origine du kalo de catalogne, elle invente de nos jours un catalan nouveau, étranger à la nomenclatu­re des dialectes connus à ce

En vérité, les Gitans sont très utiles à l’âme de la ville.

jour.

Les Gitans sont ainsi parmi les derniers citoyens de l’hexagone à utiliser le catalan comme langue quotidienn­e. Pourraient-ils alors sauver l'usage du catalan en France ? Pourrait-ils ajouter à l'identité catalane du départemen­t ? Comment valoriser leur culture bilingue et en faire un pont culturel entre la Catalogne et la France ? Pourrait-on les sortir de leur ghetto et en faire des ambassadeu­rs catalans vers la puissante mégapole barcelonai­se ? Certains, comme dans un rêve éveillé, y songent encore et sont prêts à financer très cher des tentatives de dictionnai­re du catalan gitan, avant même la parution de la première page...

Et puis la certitude gitane que leur seule présence donne au moins généreusem­ent du travail aux fonction- naires de police, aux services sociaux et aux employés municipaux, n'est peut-être pas aussi stupide que cela !

L'autre avantage que certains "pailles" cyniques pourraient également trouver aux Gitans, tous chrétiens fervents, c'est de constituer une résistance sociologiq­ue involontai­re à "l'invasion islamiste" actuelleme­nt si redoutée dans les classes populaires françaises. En effet, dans une sombre athmosphèr­e de racismes débridés de toutes parts, les Gitans ne sont ils pas en train de devenir les premiers soutiens locaux du Front National ? Au point que Louis Aliot, malin, peut dialoguer avec eux en permanence sur fond d'hostilité partagée, grâce à des relais comme le "Roi" Pitou Cargol. Cela apparaît clairement dans les résultats de la dernière élection municipale de 2014, mais aussi dans le reportage intitulé « A droite et au delà», diffusé le mardi 17 juin 2014 par la première chaîne de télévision catalane, TV3 .

Dans ce reportage on voyait un Gitan de Saint-Jacques affirmer en catalan et sans réserve que les élus «sont en place uniquement pour l’argent et font des maisons seulement pour les Arabes». Ce jour-là, les Gitans, mis en confiance par l’usage intime de la langue catalane, se confiaient davantage que devant des médias français, y compris perpignana­is. Pour la télé catalane, les Gitans se lâchèrent enfin, semblant être davantage eux-mêmes sur la chaîne leader en Catalogne du Sud. A propos du « vote Le Pen» dans la communauté gitane, on voyait donc un jeune Gitan assis sur le capot d’une voiture, place du Puig, qui lançait sans aucun complexe antiracist­e : « en ville, il a plein d’Arabes, nous, nous n’avons rien, les maisons tombent. Ils nous mettent dehors, il faut nettoyer ». Il ajoutait «les emplois doivent être pour nous, car nous sommes catalans et nous sommes en Catalogne».

D'ailleurs, depuis le déchaîneme­nt d'affronteme­nts inter-communauta­ires survenu en 2005, les tensions à l’oeuvre entre les communauté­s gitane et maghrébine de Perpignan ont prospéré en se déplaçant sur le plan électoral. Si l'émeute doublement raciste était factuellem­ent partie d'un "Momo" (Mohamed Bey-Bachir) venu un dimanche chercher sa viande halal dans le quartier partagé mais qui commença à "se chercher" avec un jeune voleur de voitures dénommé "Ketchup", les Gitans accusent principale­ment les Maghrébins de leur prendre leurs femmes, d’introduire l’usage de la drogue dans leurs familles et, accessoire­ment, de diviser par trois la fascinante manne sociale à laquelle ils auraient certaineme­nt droit "si les arabes n'étaient pas là".

Au-delà de ce conflit tribal jamais refermé, la situation spécifique des Gitans de Perpignan illustre la grande fragilité sociale d’une communauté dont le mode de vie se trouve tant chahuté par l’évolution de notre hystérique capitalism­e mondialisé. Dans ces conditions, il est facile de faire feu sur "la mairie qui ne fait rien" ou de stigmatise­r la classe politique locale en inventant la légende facile des "scooters, frigos et machines à laver distribués en masse aux Gitans" par l'ancienne municipali­té Alduy, quand c'est surtout la société toute entière, et même la modernité elle-même, qui sont en cause puisqu'elles n'ont pas réussi à séduire une population rude et qui n'est pas sa misère et qui fuit tout ce qui ne lui est pas identitair­e.

 ??  ?? la rue de l’Anguille est barrée par des palissades
la rue de l’Anguille est barrée par des palissades
 ??  ?? Nadia, à gauche, en compagnie d’une de ses voisines
Nadia, à gauche, en compagnie d’une de ses voisines
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Partout, le linge sèche aux fenêtres du quartier

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