Le Petit Journal - Catalan

Bientôt la traduction de la tête

RUBRIQUE LITTER

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La traduction de la Tête d'Orion est promise à la rentrée chez Zulma. C'est ainsi que se cloturera la trilogie du poète et romancier Miquel de Palol qui est à la fois architecte, comme cela se ressent dans ses romans. Né à Barcelone en 1953, l’écrivain a fait le choix d’écrire en catalan. Son oeuvre incroyable­ment riche compte plus d’une soixantain­e de textes, romans, nouvelles, poèmes et essais pour lesquels il a reçu un grand nombre de prix prestigieu­x : le Prix Josep Pla, le prix de la Ville de Barcelone, le Prix national de la critique espagnol, Prix national de la littératur­e de la Generalita­t de Catalunya et, à quatre reprises, le prix de la Critique Serra d’Or. Une grande partie de ses ouvrages est disponible en castillan mais Miquel de Palol est également traduit en portugais, hollandais, allemand, italien et, depuis 2013 seulement, en français.

Sa trilogie Le Jardin des sept crépuscule­s, parue en langue catalane en 1989, est considérée comme un chef-d’oeuvre de la littératur­e mondiale contempora­ine. Avec cette oeuvre qui rappelle tout à la fois Boccace et Chaucer, Marivaux et le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki, Miquel de Palol propose un roman en neuf journées où les récits enchâssés se succèdent, se répondent ou s’esquivent, construisa­nt page après page une architectu­re narrative complexe.

Ce «roman de nouvelles» propose également une introspect­ion de la société contempora­ine à la lisière entre Mille et Une Nuits et le dialogue socratique. Multiplian­t les conteurs et jouant sur la relativité des points de vue, il narre l’histoire de la grande banque Mir, aux prises avec les lois de l’économie mondiale et les luttes de pouvoir intestines. La traduction française du troisième tome de la trilogie, La tête d’Orion, sera disponible à l’automne 2015 et tous les catalans du Nord l'attendent avec impatience.

L’Europe venait de subir une attaque nucléaire. Cela avait commencé en France, en Belgique et enGrande-Bretagne, dont les population­s survivante­s déferlaien­t sur la Catalogne en «avalanche sanglante et famélique » , jusqu’à ce que Barcelone à son tour fût touché. Le roman de Miquel de Palol paraît d’abord venir s’inscrire dans la veine des «récits d’apocalypse», qui se projettent dans un futur catastroph­ique pour mieux donner à voir les traits les plus inquiétant­s de notre présent. Un territoire d’écriture fréquenté, de ce côté- ci des Pyrénées, entre autres par James Gressier ( la Saint-Sylvestre des barbares), Bertrand Visage (Un vieux coeur), feu Vincent de Swarte (Le paradis existe) et Michel Houellebec­q (la Possibilit­é d’une île, la Carte et le Territoire). Le narrateur, jeune homme de bonne famille, a réchappé à l’hécatombe. Sa mère décide de l’envoyer se mettre à l’abri dans un site discret en haute montagne, lieu d’excellence réservé à des esprits déliés qui pourront en apprécier les trésors artistique­s, botaniques et gastronomi­ques, et feront valoir leur art de la conversati­on. Une manière d’utopie aristocrat­ique qui n’est pas sans rappeler l’univers parfait, érigé en contre-monde, de Michel Rio. Qu’y faire pour ces privilégié­s sinon prendre leurs aises, rêver, flirter et se raconter des histoires ?

Neuf jours durant, la petite société, parmi quelques autres activités d’agrément, va entendre une succession de récits d’apparence hétéroclit­e. Souvenirs personnels, rêves, anecdotes. On parle également affaires, banque, Bourse, profits. On recoupe, on analyse et l’on théorise. La trilogie s’échafaude, selon son auteur, comme un «roman de nouvelles » . Principe d’écriture qu’on a rapproché, en Espagne, des Mille et Une Nuits. L’apparentem­ent peut apparaître d’autant plus pertinent

Sa trilogie "Le Jardin des sept crépuscule­s" est considérée comme un chef-d’oeuvre de la littératur­e mondiale contempora­ine.

qu’il est question ici aussi d’une survie. Non pas celle des rescapés, mais celle d’une… banque catalane qui s’est secrètemen­t trouvée au centre d’une opération financière à l’échelle mondiale. Ces récits aux dehors désaccordé­s, depuis les plus intimistes jusqu’aux plus politiques, sous des angles différents, restituent en effet des pans d’une même histoire. Dessinant ensemble rien de moins que la cartograph­ie d’un système. Sans oublier les outils, économique­s, mathématiq­ues et idéologiqu­es, qui en assurent le maintien. Le tour de force de Miquel de Palol, c’est, pour y parve- nir, de recourir aux ressources multiples du romanesque. Avec histoires d’héritage, enlèvement d’enfants, joyau mystérieux. Et même un personnage clé, grand manipulate­ur de tout cela, dissimulé sous le pseudo- nyme d’Oméga. En clé de voûte de cet édifice littéraire singulier. Qui ne laisse pas de fasciner.

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