Le Petit Journal - Catalan

Jordi Pere Cerda sera-il finalement oublié ?

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En novembre 2011, par la voix de Clotilde Ripoull, le groupe CDC – Centristes catalans, proposait de donner le nom de Jordi Pere Cerdà au quatrième pont après Joffre, Arago et Sauvy. Selon Clotilde Ripoull, l’?uvre et la vie de ce grand poète catalan le désignaien­t pour que son nom soit donné au dernier pont perpignana­is...

Le choix n'était pas anodin. En effet, il s'agissait de récompense­r une grande figure de la résistance et de la catalanité. Sous le nom d'Antoni Cayrol, Jordi-Pere Cerda est né en 1920 à Saillagous­e. Il fait des études secondaire­s à Perpignan. Une longue maladie des poumons l'oblige à tout arrêter et à retourner en Cerdagne pour bénéficier du bon air de la montagne. Sa carrière littéraire débuta au début de la seconde guerre mondiale, avec la création de quatre saynètes en catalan qui furent jouées à Saillagous­e.

Ancien boucher dans son village, puis libraire à Perpignan, résistant pendant la seconde guerre mondiale, militant du Parti Communiste Français, il sera conseiller municipal puis maire communiste de son village natal puisque chaque été le poète prenait ses quartiers dnas une ancienne bergerie de sauillagou­se. Engagé dans la défense et la promotion de l'enseigneme­nt du catalan, il fonde en 1960 le « Grup rossellonè­s d'estudis catalans » dont il dirigera la revue : Sant Joan i Barres (1974-1978). Le parcours de l'homme et du militant est marqué par des choix et des engagement­s particuliè­rement significat­ifs. Mais que l'on ne s'y trompe pas : si l'on retrouve bien sûr cette implicatio­n vitale dans l'?uvre, ni les poèmes ni la prose de Jordi Pere Cerdà ne relèvent de la littératur­e engagée stricto sensu, encore moins des « ?uvres à thèse ».

L'écrivain a cultivé tous les genres : théâtre, nouvelles, roman. Toutefois la poésie occupe dans son cheminemen­t une place particuliè­re. Abonné à la revue de Pierre Seghers, Poésie (41-45), il commence à écrire en français, voie qu'il abandonne très vite. C'est en catalan qu'est écrit son premier recueil poétique, La guatlla i la garba, publié à Perpignan en 1951, et le catalan sera désormais la langue de toute son ?uvre. Ce qui frappe, dès les premiers poèmes, c'est la force, la puissance singulière de cette voix. L'évocation des paysages de Cerdagne, du Capcir, celle d'une Catalogne « entre montagne et plaines » , loin de tout pittoresqu­e, est toujours animée des battements d'un c?ur aux prises avec la dureté de vivre. Les images sont celles de la présence la plus concrète, la plus « physique », doublée de la dimension du combat. La beauté des lieux, la beauté du chant ont le relief du cri, la rage de la protestati­on contre le désastre et la destructio­n. Ces hautes terres de Cerdagne sont un carrefour et c'est toute l'histoire déchirée des deux côtés de la frontière qui s'y concentre :

Jordi Pere Cerdà est donc le chantre incontourn­able du pays cerdan. Mais le réduire à ce territoire serait une erreur car, peignant sa terre et les gens qui y vivent, l’écrivain accède à l’universel par le langage poétique. Le pays cerdan et ses montagnes habitent la poésie de Cerdà.. Mais dans les mots, le paysage se modèle au contact de la nature profonde du poète.

En 1951, Cerdà participe à «la bataille du livre», mouvement lancé par Elsa Triolet pour promouvoir une littératur­e dite progressis­te - d’inspiratio­n marxiste - contre la littératur­e américaine déjà puissante. C’est à cette occasion qu’il se lie d’amitié avec les Occitans Félix Castan et Robert Lafont, lequel publie en 1955, à l’Institut d’études occitanes de Toulouse, le recueil le plus militant de Cerdà : « Tota llengua fa foc ».

Jordi Pere Cerdà avait quitté l’école à 13 ans. Aussi, sa poésie est celle d’un autodidact­e. Mais la poésie de Cerdà, ainsi que son théâtre, reflètent aussi un engagement sur tous les fronts. La langue est par essence le territoire du poète.

Parallèlem­ent à son cheminemen­t en poésie, Jordi Pere Cerdà a écrit très tôt des pièces de théâtre où la réalité humaine, sociale, linguistiq­ue de la montagne cerdane trouve une expression souveraine. Comme le relève Jean Pierre Tardiff, Angeleta date de 1950 : cette pièce, traduite par Jep Gouzy, a fait l'objet d'une interpréta­tion à la radio par Madeleine Attal et sa « Compagnie des douze » en 1954. Elle a ensuite été publiée en français dans la revue « Europe ». Dans sa version française ou catalane, Angeleta aura été la pièce de Cerdà la plus représenté­e en France, dans le Sud en particulie­r, et dans la plupart des villages de Cerdagne où les acteurs étaient pratiqueme­nt tous originaire­s de Saillagous­e. Plus récemment le théâtre de Cerdà a pu rencontrer une nouvelle audience avec la publicatio­n et la représenta­tion de Quatre femmes et le soleil. La pièce avait été créée dès 1964 à

Fervent défenseur de la catalanité, il reçut à Barcelone le prix littéraire "Escriptor de l'any". En 1989 il reçu le prix de la Literatura de la Généralita­t de Catalogne, en 1986 la "Creu de Sant Jordi", en 1996 le prix d'honor de Les Lletres Catalanes, puis en 1999 le prix Nacional de Literatura.

Il a écrit entre autres, "Contalles de Cerdanya" (1961), "Obra poetica" (1966), "Obra teatra" (1980), "Dietari de l'alba" (1988), "Poesia completa" (1988), le roman "Passos estrets per terres altes" (1998).

A Sailagouse, l'école multi linguiste « Jordi Pere Cerda » porte son nom.

Barcelone. Les éditions de l'Amandier ont publié le texte français en 2005. Et c'est en janvier 2007 que la Compagnie du Sarment, au théâtre de l'Opprimé, à Paris, en a proposé une série de représenta­tions, dans une mise en scène de Neus Vila.

Il est possible, si l’on ne comprend pas le catalan, de lire la poésie et le théâtre de Cerdà en français. Deux livres sont parus aux Publicatio­ns de l’Olivier, rassemblan­t une part non négli-

geable de son ?uvre poétique traduite par André Vinas avec la participat­ion de l’auteur.

Récemment à Alénya, une conférence a eu pour sujet l'oeuvre de Cerda... Aupravant, une pièce avait été jouée en extérieur devant un petit comité avec pour décor la façade réelle d'une maison.. Mais doucement, le souvenir du poète s'efface. C'est dommage.

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