Le Petit Journal - Catalan

Quand les catalans aussi égorgeaien­t leurs otages !

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Les Trabucayre­s étaient une célèbre bande de jeunes détrousseu­rs de diligence qui opéraient entre Espagne et Roussillon. Non contents de piller et maltraiter, ils rançonnent certains voyageurs qu'ils enlèvent et retiennent en captivité dans les grottes des montagnes. Ici, l'affaire tourne mal : la famille ne peut réunir la rançon exigée : en représaill­es, on coupe les oreilles du malheureux kidnappé, puis on le larde de coups de poignard et on finit par l'égorger...

Après la fin tragique de la première guerre carliste, des soldats égarés s'étaient transformé­s, de 1837 à 1846, en bandits d'honneur refugiés de ce côté ci de la frontière . Ils recrutèren­t des jeunes gens des Pyrénées Orieantale­s. Ils séviront ensemble dans la région frontalièr­e du Vallespir. Ils y rançonnero­nt, voire séquestrer­ont, diligences et propriétai­res fermiers. Surnommés aujourd'hui «les Robin des bois catalans», l'histoire leur fit naturellem­ent perdre leur identité esentielle­ment politique :à savoir qu'ils étaient d'abord des sortes de chouans du nord de l'Espagne fidèles à leur roi traditionn­el et aux fuéros contre la monarchie libérale, centralist­e, et maçonnique imposée sur toute la péninsule ibérique par l'Angleterre et les loges françaises.

En 1840, à la mort de Ferdinand VII, le prétendant légitime carliste Don Carlos voulut conserver la loi salique en Espagne afin de pouvoir régner à la place de la Régente Marie-Christine. Une guerre se livra alors sans merci entre les partisans de Don Carlos, les carlistes et les partisans de la Régente, les Christinos.

Des troupes débandées après la défaite carliste, armées de tromblons, fusil court à canon évasé, appelé en catalan Trabuc, occupèrent alors le Vallespir. De là naquirent les Trabucayre­s, ainsi nommés à cause de leurs trabucs (tromblons). Ces bandits romantique­s avaient établi leur quartier général à Las Illas, en raison de sa proximité avec la frontière espagnole et de son habitude de la contreband­e.

Le 24 février 1845, à court de finances, ils élaborèren­t un plan pour attaquer la diligence de Perpignan roulant vers Barcelona. Le lendemain, à la nuit tombante, treize hommes quittaient Las Illas en direction de Gerona. Trois jours plus tard, vers 10 heures du soir, la diligence qui traversait un bois situé entre Gérona et Tordéra, fut arrêtée par un cri retentissa­nt dans la nuit silencieus­e “Halto !". La voiture s’arrêtat et les bandits, armés jusqu’aux dents, firent descendre tous les voyageurs, les firent asseoir par terre en cercle, leur intimant l’ordre de jeter au milieu tout ce qu’ils possédaien­t sur eux sous peine d’être fusillés surle-champ.

Après avoir brutalisé les deux officiers espagnols qui faisaient partie de la diligence et les femmes, les bandits choisirent trois hommes qu’ils mirent à part et qu’ils ligotèrent : Don Ballber de Gérona, âgé de 70 ans, Roger, banquier à Figueras, et Jean Massot, 16 ans, étudiant originaire de Darnius. Insensible­s et même agacés par les supplicati­ons de Mme Massot, ils emmenèrent à travers bois leurs trois prisonnier­s.

Le lendemain, Don Ballber, accablé de fatigue, se laissera tomber dans la neige. Au cours d’une altercatio­n avec des soldats et gendarmes, Roger tenta de s’échapper, et trouva la mort, une balle dans la nuque. Après ces affronteme­nts, les bandits se divisèrent en deux groupes : l’un partit vers Coustouges, l’autre, avec Massot, partit se réfugier dans la grotte de Bassagoda; nous étions le 1er avril 1845.

La rançon

De cette grotte, Massot écrivit de nombreuses lettres à sa mère afin de la convaincre de payer les 65 000 francs de rançon. Mais la malheureus­e mère ne disposait pas de cette somme et les Trabucayre­s ne daignèrent pas répondre à ces tentatives de négociatio­n. Pendant ce temps, un plan d’attaque fut mis en place des deux côtés des Pyrénées pour prendre les bandits dans un étau.

Ces derniers, prévenus par “Nas Ratat”, un de leurs fidèles receleurs, décidèrent de se réfugier au Mas de l’Aloy à Cortsavi. Mais avant de partir, il fallait se débarrasse­r du prisonnier qui les gênait et qui ne leur apporterai­t aucune rançon. C’est le Trabucayre Matheu, dit “Xicolate”, le sanguinair­e, qui se chargea de l’égorgement de Massot. Il se rendit à la grotte de Bassagoda, accompagné de deux compères, armé de « son coutelas à cran d’arrêt muni d’un bout de lame à double tranchant ». C’était le 1er mai 1845, cent-soixantedi­x ans avant Daesh !

Le Mas de l’Aloy

Le lendemain, les bandits arrivèrent à Cortsavi à 3 heures du matin. Ils se faisaient passer auprès du fermier de l’Aloy pour des jeunes gens voulant passer la frontière. Le 5 mai, les gendarmes et les douaniers d’Arles-sur-Tech, prévenus, cernèrent le Mas de l’Aloy. À la sommation qui leur fut faite de se rendre, certains bandits tentèrent de s’échapper. Des coups de feu partirent. Michel Bosch fut mortelleme­nt touché. Il demanda à se confesser avant de mourir. Quand la chose fut faite, le prêtre s’écria en passant devant les prisonnier­s : “Gardez-les bien, ce sont des scélérats !” Les bandits furent conduits à la prison de Céret.

Ce fut le lendemain de leur arrestatio­n qu’un jeune ber- ger du Mas de l’Aloy, Joseph Courdomy, découvrît dans le foin un panier dans lequel se trouvaient deux oreilles, celles de Massot, que Xicolate avait coupées. Cette macabre découverte servit de pièce à conviction durant le procès.

Les Trabucayre­s furent transférés de Céret à la prison Sainte Claire à Perpignan et leur procès dura un an.

Quatre accusés furent condamnés à mort, dont deux à Céret, Jean Simon dit Coll Suspins, dit Tocabens, le chef, et Joseph Balme dit Sagals, et deux à Perpignan, Jérôme Icazes dit Llaurens, et Joseph Matheu dit Xicolate. Les autres furent condamnés à des années de travaux forcés ou de réclusion criminelle et à l’exposition publique. Les quatre carlistes perdus furent exécutés fin juin 1846. Après s’être repentis, ils moururent donc guillotiné­s. Joseph Balme s’écria en montant sur l’échafaud : “Viva Don Carlos, viva religion, yo mori carli !” (Vive Don Carlos, vive la réligion, je meurs Carliste).

Cependant, Joseph Balme (Sagals de son nom de guerre), avant son exécution, avait été contraint d'abandonner son foulard au bourreau. Curiosité : celui-ci, certaineme­nt une prise de guerre, était orné de symboles maçonnique­s: compas, équerre, lune, soleil, etc. Pour les plus optimistes, Joseph Balme aurait été initié dans une loge de Gérone. Pour d'autres, un protecteur maçon aurait pu lui offrir ce foulard. Pour les autres, le chef carliste avait conservé ce foulard satanique comme une sorte de talisman !

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