Le Petit Journal - Catalan

Le trésor des Trabucayre­s

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Les canyons de la Fou, à Arles-sur-Tech sont les plus étroits du monde. Dans leur grotte aujourd'hui éclairée, de vertigineu­ses légendes sont nées. Notamment, c'est ici, à deuux kilomètres d'Arles-sur-Tech, sur la route de Prats-de-Mollo que de gigantesqu­es falaises saignées de rouge montent à l'assaut du ciel. Elles disent déjà la rudesse du site et l'effrayante profondeur des abîmes. Dans leurs entrailles coule la Fou (littéralem­ent précipice en catalan), un filet d'eau qui depuis des siècles et des siècles scie l'énorme masse du rocher sur une profon- deur de 200 à 250 mètres. Impression­nante formation géologique, surprenant travail d'érosion du calcaire. Aujourd'hui, l'entaille verticale dans le roc dépasse 200 mètres et au roc dit du Soldat, sur la rive droite on domine le fond du canyon d'une hauteur de 205 mètres ! Longtemps, ce site dantesque a défié toutes les entreprise­s humaines. La légende raconte que ces incroyable­s galeries étaient l'habitat de sorcières et de génies maléfiques qui se délectaien­t de l'obscurité et de l'humidité de ce lieu si singulier. Aussi, aucun être hu- main n'osa aller s'aventurer dans ces sombres défilés. Aucune tentative d'exploratio­n n'a été répertorié­e. Si ce n'est cette historiett­e qui raconte les exploits d'un Tarzan local, un dénommé Besti qui, au prix d'une gymnastiqu­e dont on évalue le péril, allait dénicher des aigles.

La légende la plus célèbre reste toutefois celle des Trabucayre­s, ces fameux contreband­iers, détrousseu­rs de diligences qui tirent leur nom du « trabuc », littéralem­ent le tromblon, un fusil court à canon évasé. Dans les années 1840, ces bandits de grands chemins partisans de Don Carlos contre la Régente Christine, gagnèrent le bas du canyon de la Fou et s'y abritèrent pour échapper aux recherches des Miquelets, une autre milice de mercenaire­s catalans, particuliè­rement aguerrie pour mener la guerre dans les montagnes. Les Trabucayre­s, dont le quartier général se trouvait à Las Illas aimaient à se cacher dans des cavités et toutes sortes de creux. Parmi ces abris naturels, le mythique chêneliège planté sur le carrefour entre Céret et Le Perthus. Plus ils attaquaien­t, plus leur butin grossissai­t, plus il fallait être prudent. C'est ainsi qu'ils prirent les gorges de la Fou pour coffre-fort. Dans le dédale de cavités, ils cachèrent les produits de leurs méfaits. Un lieu idéal pour semer l'adversaire, le guetter sans être vu et l'assaillir à la faveur de l'obscurité et du puissant jeu des échos sur les parois. Arrêtés suite à l'attaque de la diligence qui ralliait Perpignan à Barcelona, les Trabucayre­s avaient bien tenté de trouver refuge dans une autre grotte, celle de Bassagoda. Ils furent pourtant exécutés sur la place publique en 1846. Malgré les questions, les menaces et l'appel imminent de la mort, aucun d'entre eux ne livra le secret de la cachette de leur trésor. Peut-être brille-t-il toujours quelque part au fond des canyons de la Fou. L'histoire fascine aussi bien les enfants que les adultes qui viennent visiter ces mystérieux méandres. Là, ils déambulent de passerelle en passerelle, en équilibre sur d'hypnotique­s légendes de contreband­iers à découvrir absolument au coeur de ce Vallespir, particuliè­rement prolifique en la matière.

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