Une page de l’histoire de Fran
Culture • Une ‘Perpignanaise, tête d’affiche d’un film sur France3 ou ‘Quand le présent relie le passé à l’avenir’.
Courant octobre 2015, filmé par Nicolas Bergès sur vos écrans de télévisons et relayé par France3 vous allez découvrir l’histoire et la vie d’ariégeois qui ont quitté le contrefort pyrénéen pour une aventure africaine. Un film historico/économico/politique. La vedette de ce film, une perpignanaise, dont le père a vécu cette aventure, celle-ci sert de fil conducteur à cette page de l’histoire de la France que nous pouvons nommer : ‘Quand le présent relie le passé à l’avenir’.
Avant- propos :
Vous connaissez Prades ? Non pas le Prades (P.O) immortalisé par le célèbre violoncelliste Pablo Casals, mais le Prades/Montaillou (09) qui a fait parler de lui entre 1856 et 1960 quand ses habitants émigrent vers le Sénégal et sont connus sous le nom de ‘Mange-mil’. Ce pourrait être une histoire tristement banale… De celles qui emplissent nos journaux et qui n’attirent guère l’attention. Une histoire de quête d’une vie meilleure quand la pauvreté vous pousse à aller voir ailleurs. Mais dans cette histoire, les paysans ‘sans le sou’ sont français et l’eldorado est africain. Drôle de paradoxe. C’était il y a un siècle… Le Sénégal et son arachide promettaient alors des lendemains qui chantent. Ainsi, la plupart des villages du plateau de Sault se vidèrent. Direction cette ‘colonie’ où tout semblait possible.
Alors : Des montagnes ariégeoises aux plaines sénégalaises, retour sur le destin singulier de ceux que l’on avait surnommé les ‘ Mange-Mil’.
Un peu d’’Histoire’ :
Entre 1885 et 1918 : 145 Pradéens ont émigré au Sénégal, soit plus d’un par famille. Le premier d’entre eux fut un certain : J.B Vézia. Tous ou presque sont partis pour faire commerce de l’arachide, utilisée par des sociétés bordelaises pour produire des huiles alimentaires. Prades compte 871 habitants en 1806, 565 en 1885, 409 en 1901, contre 43 en 2013. À la fin du 19ème siècle, l’Ariège est touchée par la surpopulation et par une série de maladies ravageant les cultures. La pauvreté s’installe. Les habitants, en particulier les jeunes hommes, n’ont d’autres choix que de quitter leurs terres pour gagner leur vie. Selon les vallées, certains partent pour les grandes villes du Sud-ouest de la France, les Amériques ou bien l’Afrique. Pour le village de Prades et le plateau de Sault, la destination sera le Sénégal.
Quelques années auparavant, un ariégeois, Pinet-Laprade, est nommé gouverneur du Sénégal. La colonie a besoin de bras pour assurer son développement et il va privilégier la main d’oeuvre issue de son département. Une véritable filière d’émigration va voir le jour. Les paysans pauvres jugés rompus aux conditions de vie difficile de leurs montagnes sont envoyés loin du confort relatif de Dakar ou SaintLouis. Contre un bon salaire, direction la ‘brousse’. Laissant la plupart du temps leurs enfants en France, ils ne les reverront que tous les deux ans lors de leurs congés… Sur place, ils sont employés par les grandes huileries bordelaises qui fabriquent leur huile à partir des arachides sénégalaises. Installés dans des petits comptoirs commerciaux, ils sont chargés d’acheter les arachides auprès des paysans sénégalais. Ils doivent ensuite stocker, conditionner et acheminer les précieuses graines vers les ports.
L’Ariège et le Sénégal :
Aujourd’hui les liens entre ce village ariégeois et ce grand pays africain sont toujours très forts grâce à une ancienne perpignanaise Chantal Toustou/Garçon et son mari le Docteur Benoit Garçon. Le père de Chantal, Ferdinand Toustou, fait partie de ces pradéens partis au Sénégal à la recherche d’une autre vie. À son retour définitif du Sénégal Ferdinand Toustou habite au Parc Ducup Saint Paul à Perpignan. Chantal poursuivant ses études dans un lycée de la ville. Chez les Toustou entre frères, cousins : 60 membres de cette famille émigrent au Sénégal. Hyppolite, le grandpère et son frère François blessé (une jambe en moins 14/18) sont les premiers de la famille à tenter l’aventure à cause de la misère, seules les lentilles font vivre le village. Bien des années plus tard Chantal effectue un voyage au Sénégal avec ce besoin impérieux de redécouvrir les anciennes terres foulées jadis par son père, où elle a vécu trois ans dans sa tendre jeunesse. Avec Benoit ils constatent l’effrayant besoin médical dans lequel se trouve cette région. De retour en France ils créent l’association Humanitaire : ‘ Actions Médicales Kassoumaye’ très active depuis une quinzaine d’années.
Le cinéma pour raconter ‘l’histoire’ :
Un ariégeois Nicolas Bergès, réalisateur cinématographique a déjà évoqué les habitants de cette vallée mi-audoise/mi-ariégeoise dans son film : ‘ L’Amour Formica’ retraçant l’aventure industrielle et humaine de la Sté Formica de Quillan. Passionné d’histoire, il décide de parler de ces ariégeois surnommés : ‘Mange-Mil’. Amoureux des vallées de l’Aude et de la Haute-Ariège, Nicolas écrit et réalise, entre autres, des documentaires diffusés sur France3 qui nous éclairent sur l’histoire et les populations Pyrénéennes. Ses amitiés et ses recherches sur le terrain ariégeois le mènent jusqu’à Prades et à l’une de ses habitantes dont le père fut un ‘mange-mil’ : Chantal Toustou/Garçon. Voici le lien parfait pour évoquer par l’image l’histoire de ces ariégeois entre : le passé (son père) le présent et l’avenir (l’installation d’un docteur à Cap Skirring). La trame du film est toute tracée : filmer Chantal à Prades, au Sénégal, mélanger des images d’aujourd’hui à des films et des photos d’hier et d’avant-hier. Son besoin de réel le mène dans son périple/cinéaste jusqu’au Sénégal, de Saint Louis tout au Nord du pays à Cap Skirring à la frontière Sud où Nicolas suit Chantal marchant dans les traces de sa famille … jusqu’à l’installation du docteur Ousmane N’Diaye dans son cabinet médical construit et équipé grâce à l’association Humanitaire ‘Action Médicale Kassoumaye’. La pellicule de Nicolas fixe un documentaire historique pour France3 en retraçant l’histoire des ‘mangemil’ et de leurs descendants. Ce documentaire exceptionnel sera diffusé sur France3 Sud-ouest de Bordeaux à Montpellier en passant par
Foix et Toulouse à l’automne.
Les Mange-Mil :
‘Mange-mil’ est le nom donné par les autochtones aux ariégeois présents au Sénégal dans les années 1885/1960. C’est aussi le nom d’un minuscule oiseau (-5gr) au bec rouge ravageur de récoltes en particulier du mil.
Terme quelque peu péjoratif de la part des sénégalais qui ont donc comparé tous les ariégeois venant ‘s’abattre’ sur les cultures d’arachides à ces oiseaux volant en immenses nuées. Même si les ‘colons’ ariégeois ont bénéficié du commerce de l’arachide sénégalaise, leur bonne intégration nous est confirmée par les témoignages recueillis, in situ, par Chantal Toustou/Garçon lors de son dernier voyage (01/2015) avec des rencontres de vieux sénégalais lui parlant encore avec admiration et regret de ‘ L’homme blanc à une jambe, l’oncle François’. Ferdinand Toustou fut l’un des premiers à cultiver et exploiter les bienfaits du Kinkéliba Le Kinkéliba est une plante utilisée en médecine traditionnelle pour ses propriétés cholagogues et diurétiques. Originaire d’Afrique de l’Ouest, elle s’utilise en infusion Plus de 600 ‘mange-mil’ venant de toute l’Ariège, surtout du plateau de Sault et des vallées environnantes (de Foix à Quillan et d’Ax les thermes à Varilhes) migrèrent. L’épicentre fut le village de Prades avec 145 départs ; on y trouve encore aujourd’hui des noms de plaques de rues, de lieux, de portes, rappelant cette expatriation avec des noms ‘africains’.
(Crédits photos NB, CTG, BG)