Une commémoration peu enthousiasmante
Libération de Perpignan
L’historien, le passeur de mémoire, le citoyen que je suis, ont été très désagréablement surpris (et c’est peu dire) par le déroulement de la commémoration de la Libération de Perpignan. Cérémonie bâclée au monument Torcatis, Service minimum au Monument de la Résistance et de la Déportation. A l’avenir, on pourrait s’épargner des cérémonies aussi formelles en organisant, comme le font les Britanniques, une seule cérémonie d’hommage aux morts de toutes les guerres le dimanche le plus proche du 11 novembre.
L’histoire de la résistance n’a-elle plus rien à nous dire ?
N’avons-nous rien à dire aux citoyens lors des commémorations de la Résistance et de la Libération qui puisse les amener à participer à nouveau à ces manifestations de communion nationale autour des idéaux de la République ?
En ces temps où la xénophobie et le racisme refleurissent, il ne serait pas inutile de rappeler le rôle joué par les tirailleurs sénégalais et nordafricains, les travailleurs immigrés et les réfugiés politiques espagnols, polonais, italiens au combat contre l’Allemagne nazie et à la Libération de la France.
De même devant l’essor des communautarismes, il me semble indispensable de redire que, lors des combats contre l’Occupant nazi et les collaborateurs, croyants ou non croyants se sont retrouvés côte à côte pour restaurer l’Égalité et la Fraternité.
Enfin alors que la question de l’identité nationale est agitée pour diviser les Français, il serait bon de rappeler que si Philippe Pétain et Louis XVI étaient des « Français de vielle souche », leur collaboration avec les ennemis de la France, ont fait d’eux des traîtres. Être Français depuis 1789, c’est adhérer et faire vivre les valeurs républicaines. C’est que mis en pratique, le gouvernement du général de Gaulle qui donna, en remerciement des services rendus, la nationalité française aux résistants étrangers.
L’exemple des résistants est-il trop dangereux pour qu’on le rappelle ?
Enfin pour en revenir au 71° anniversaire d’Août 1944, on aurait pu rappeler qu’après la Libération, les travailleurs, français et étrangers, s’étaient lancés dans la bataille de la production afin de relever la France de ses ruines. Mobilisation populaire qui me semble porteuse d’espoir en ces temps de crise économique et sociale.
Ainsi à la Société Hydro Électrique du Roussillon (SHER), le 15 septembre 1944, les ouvriers et les employés occupèrent les édifices et les installations de la société et constituèrent un comité de cinq membres chargés d’assurer la gestion de la société et la bonne marche du service. Ce comité présidé par un syndicaliste, Pascal Bernole, fut officialisé peu après par le préfet. Fin septembre, le conseil municipal de Perpignan félicita « le comité de gestion de la SHER et les ouvriers et employés de cette Société pour la dignité et la fermeté avec lesquelles ils ont fait un pas en avant pour la libération du peuple français en chassant de leur usine les représentants des trusts de l’électricité ». Pour le syndicat CGT de la SHER, la ligne à suivre était claire : « La guerre, qu’il faut gagner vite, et la reconstruction de la patrie exigent : conscience professionnelle, travail et discipline. [..] Nous démontrerons que les comités d’usine, appuyés par les conseillers techniques (ingénieurs), avec l’adhésion sans réserve des ouvriers, peuvent bien gérer les richesses de la nation. »
Réapproprions nous monuments et commémorations !
A l’appel de l’ANACR et de leurs syndicats CGT (CGT qui fut une des membres fondateurs du Conseil national de la Résistance), les employés de l’Équipement, du Centre Hospitalier, de la gare SNCF se sont réunis le 27 mai, le 9 juillet et le 19 août 2015 devant le monument aux morts de leur entreprise pour rappeler l’héritage de la Résistance et lier combats d’hier et d’au- jourd’hui. Espérons que ce mouvement fera tâche d’huile et que les citoyens se réapproprieront monuments et commémorations en vue de créer une mémoire agissante de la Résistance. Georges Sentis PS : Autre exemple du vide de la commémoration de la Libération: le témoignage plein d’erreurs de détails, d’inexactitudes graves et de jugements rapides d’un « jeune » résistant publié par l’Indépendant sous un titre « accrocheur » le 19 août. N’aurait-il pas été plus intéressant pour l’information des citoyens de faire un compte-rendu du tout récent ouvrage de Christian Xanxo La Libération de Catalunya Nord ou le retrait allemand ? Ouvrage qui, grâce à l’étude d’archives allemandes, apporte un éclairage nouveau sur les événements des 19 et 20 août 1944 à Perpignan.