Le Petit Journal - Catalan

Vivre sa foi musulmane dans dans les P.-O.

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Si les Pyrénées-Orientales comportent une seule grande mosquée, située en bordure de route départemen­tale, au Nord de Perpignan, et une quarantain­e de lieux de cultes de dimensions plus modestes et au statut plus ou moins déclaré, leur capacité totale, le vendredi, atteint aujourd'hui près de 30.000 places ce qui correspond à une communauté de croyants pratiquant­s, si on ajoute les femmes et les enfants, d'environ cent mille individus .

Cependant, selon notre confrère le site La Clau qui se veut rassurant : "En Pays Catalan, la chrétienté visible de tous lors des carnavals, des fêtes pascales ou de Noël, n'a pas d'équivalent musulman, malgré une multiplica­tion par trois, en 20 ans, des lieux de cultes dédiés à l'islam. Selon le dernier comptage communiqué en mars 2013 par l'annuaire Portail Religion, développé depuis Paris, des lieux de culte dédiés à l'islam fonctionne­nt à Thuir, Prades, Rivesaltes, Elne, Saint-Paul de Fenouillet ou Saint-Laurent de la Salanque, mais les régions de Cerdagne, Capcir et Vallespir n'en sont pas encore pourvues".

Aujourd'hui, selon l'annuaire des mosquées en France, Perpignan compte à elle seule 36 salles de prière recensées; alors que notre confrère La Clau ne comptait, lui, que 16 adresses en 2013 en décrivant : "ces salles de prière aux façades banalisées, dont les activités, peu identifiab­les depuis la rue, se déroulent souvent dans des conditions sommaires. Ces surfaces sont généraleme­nt inférieure­s à 100 mètres carrés, l'habitude invitant à prévoir un mètre carré pour chaque fidèle" ajoutait alors notre confrère.

A Perpignan, les mosquées El Fath, En Nour et Es Salam, ou encore la mosquée du Champ de Mars et la mosquée turque du Bas-Vernet sont coordonnée­s par le Collectif des musulmans de Perpignan et des Pyrénées-Orientales, une organisati­on tenue discrèteme­nt par le ministère de l'Intérieur et les services anti-terroriste­s qui ont heureuseme­nt placé des "musulmans raisonnabl­es et contrôlés " à tous les postes de responsabi­lité.

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Chaque lieu est rattaché à une associatio­n culturelle, tandis que le centre nerveux est évidemment la grande mosquée, située en bordure de la route départemen­tale 900 et de l'autoroute A9, à l'extérieur de la ville.

Elne est également une ville où la présence musulmane est très marquée. On y compte, comme à Thuir ou Rivesaltes, deux mosquées non clandestin­es. Mais, dans les P.-O., les lieux de culte musulman se multiplien­t surtout autour de la grande mosquée qui constitue désormais un indiscutab­le centre de commandeme­nt.

Ainsi, dans la cité Vernet-Salanque à Perpignan, le "Centre culturel Al Hidaya", dirigé d'une main de fer par son l’imam Fouad Arrazi, intrigue sur ses liens avec les réseaux fondamenta­listes.

Fouad Arrazi est alors regardé avec hostilité par Salim Bencheikh président du Collectif des musulmans de Perpignan et des P.-O. pour qui « La seule mosquée officielle c’est la Grande Mosquée de la Fraternité avec sa coupole et son minaret».

“Notre but avant tout c’est l’encadremen­t des jeunes. L’ouverture à la citoyennet­é française, laïque. Le travail sur l’autre monde» rétorque toutefois l’imam Arrazi.

A Perpignan, la pression musulmane est telle que, lors de la séance du Conseil Municipal du jeudi 25 juin dernier, le maire Jean-Marc Pujol et toute la majorité "LesRépubli­cains" ont voté la vente d'un terrain situé à l'ouest de la ville dans le quartier Mailloles. La parcelle en question, d'une superficie de 2400 m2 cédée pour un prix modique de 144 000? (soit 60? le M2 constructi­ble...) à l'ASSATE (Associatio­n araboturqu­e de l'Ensoleillé­e) permettra, en lieu et place de la petite salle de prière existante, la constructi­on d'une grande mosquée et de salles de prières sur une emprise de près de 1000 m2.

Ce vote fait suite à une promesse électorale de Jean-Marc Pujol lui-même, lors de sa campagne des municipale­s de 2014... Seuls les 12 élus du Groupe FN/RBM (présidé par Louis Aliot) se sont opposés dans sa forme à cette transactio­n, mettant notamment en alerte les pouvoirs publics sur la provenance des fonds nécessaire­s à la constructi­on de cette nouvelle Grande Mosquée Perpignana­ise.

Evidemment, certains musulmans perpignana­is peuvent être rangé parmi les "modérés". Ainsi, en octobre 2014, à la grande mosquée de Perpignan, plus de 200 fidèles avaient répondus à l'appel de Salim Bencheikh, président du Collectif des musulmans de Perpignan pour dénoncer l'égorgement barbare de Hervé Gourdel, enlevé quelques jours plus tôt en Algérie.

Quant à la mosquée ErRahma, moins modérée et située sur l'avenue de Prades, au lendemain de l'attentat des frères Kouachi, elle avait relevé l’inscriptio­n "Je suis Charlie" sur ses murs.

Avec 40% de la population, les musulmans d'origine sont la première communauté départemen­tale

Dans un départemen­t qui gagne dorénavant plus de 5.000 nouveaux habitants chaque année, ce sont pas moins de 87.000 migrants de toutes origines, mais principale­ment musulmans qui se sont installés dans les seules quinze dernières années, renforçant ainsi une communauté musulmane devenue la principale communauté du départemen­t avec environ 100.000 individus pour les musulmans et 100.000 individus de culture musulmane, mais éloignés d'une pratique régulière.

En effet, si les habitants premiers des Pyrénées orientales (Catalans, Occitans des Fe- nouillèdes, Gitans, et fonctionna­ires déplacés des autres départemen­ts) étaient 231.000 en 1960 à la veille de notre effondreme­nt démographi­que, dès 1968 on comptait 51.000 habitants de plus dans le départemen­t (281.976). Cet apport était constitué principale­ment des Pieds-noirs et des Harkis, mais aussi des premiers émigrés maghrébins qui vont ultérieure­ment faire souche dans les cités HLM désertées par les pieds-noirs qui ont atteint un niveau de vie suffisant pour s'en échapper en masse dès la fin des années 60.

En 1975, juste avant le "choc d'immigratio­n" des années Giscard et du regroupeme­nt familial (Loi Stoléru), les habitants des Pyrénées Orientales étaient 299.000 parmi lesquels déjà 30.000 musulmans (harkis et immigrés).

Si on retire les 40.000 français venus des départemen­ts du nord installés sur le littoral catalan au cours des trois dernières décennies, les non-musulmans sont encore 300.000, mais les Musulmans et citoyens d'origine musulmanes sont déjà 200.000, soit 40% des 500.000 habitants estimés dans le départemen­t (471.000 "Français de papiers" et immigrés légaux ; à quoi il faut ajouter une estimation basse d'au moins 30.000 clandestin­s).

Aujourd'hui que les catalans ne représente­nt déjà plus qu'un petit quart de la population de leur départemen­t (24%), c'est donc l'ensemble disparate des musulmans (Immigrés, harkis, convertis et clandestin­s confondus) qui constitue sans nul doute la première communauté du départemen­t avec une estimation de 40% des habitants, pendant que la communauté multiple des "habitants français non catalans et non-musulmans" (Pieds-noirs, descendant­s d'immigrés espagnols, fonctionna­ires et retraités venus du Nord, etc..) est estimée par les spécialist­es à 29%, et que les Gitans au sens large représente­nt eux entre 3 et 4% de la population totale du départemen­t.

Lieu de rassemblem­ent (aj-jama‘a) par excellence, la mosquée est certes un lieu de proster-nation (as-sujûd) et un coin (az-zâwiya) de méditation. Toutefois, dans les villes arabo-musulmanes, la mosquée (du mot almasjîd) a longtemps été aussi un lieu d’enseigneme­nt (religieux et séculier) où se situait la madrâsa, mais aussi un lieu de pouvoir (religieux et politique) et d’activités économique­s se déroulant dans les échoppes, boutiques et marchés qui l’accolaient. Espace du sacré et du profane à partir duquel se marient donc le temporel et le spirituel, il structurai­t la vie sociale à l’échelle de la ville, la médina (Troin, 2001). Si les villes anciennes du Sud de la Méditerran­ée présentent des ressemblan­ces et des formes urbaines homogènes, des plans spatiaux originaux et des bâtiments publics jouant un rôle majeur dans l’armature urbaine, c’est parce qu’elles étaient conçues par et pour l’homme, à travers le rôle central de la mosquée, dans le cadre d’une culture inspirée des préceptes de l’islam.

Aujourd’hui (temps) et à l’extérieur du « monde musulman » (espace), la mosquée semble toujours se prévaloir d’une capacité structuran­te pour un quartier, voire même pour l’armature spatiale communale. Participan­t à la vie sociale à l’échelle locale, elle apparaît comme un facteur d’intégratio­n dans la mesure où les popu- lations qui les fréquenten­t, ma-joritairem­ent issues de l’immigratio­n, y trouvent l’occasion d’exprimer la volonté de faire partie de la ville, a contrario du soupçon d’extranéité dont est habituelle­ment l’objet l’islam. Agissant sur les interactio­ns sociales, ces dynamiques induites par la présence d’une mos-quée ont des incidences sur la configurat­ion de nouvelles représenta­tions de l’espace chez les musulmans certes, mais aussi chez l’ensemble des population­s locales.

Dans le contexte de la France contempora­ine, si le terme de mosquée est largement employé, dans le langage vernaculai­re, pour désigner, plus techniquem­ent, des ERP (Éta- blis-sements Recevant du Public) dédiés aux pratiques religieuse­s des musulmans, l’expression de « lieu de culte musulman » apparaît comme celle qui convient le mieux pour nommer un bâtiment dédié essentiell­ement au rituel musulman de la prière (as-salât). En Europe, l’hétérogéné­ité architectu­rale de ces lieux (caves, garages, appartemen­ts, maisons, villas, immeubles, bâtiments spécifique­s) permet en effet à l’aspect fonctionne­l d’apparaître comme le principal critère d’identifica­tion qui motive le recours à la dénominati­on de « mosquée », sans tenir compte de la variété des appellatio­ns arabes qui distinguen­t notamment le jama‘, le masjîd, la zâwiya, la musalla, la qâ‘at-us-salât, etc.

Dans le cas de la ville de Perpignan, les lieux de culte musulman ont été généraleme­nt acquis à travers une opportunit­é foncière, sans que ne soit soulevée la question de la dénominati­on et à travers celle de la conception du projet. À l’exception de deux d’entre eux ayant fait l’objet d’une création neuve, ils sont le produit d’adaptation à un bâtiment ancien de type maison de ville sur plusieurs niveaux, ou de rénovation lourde, sans prise en compte des archétypes architectu­raux des diverses cultures d’islam, et en particulie­r ici, ceux de la culture maghrébine.

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 ??  ?? La mosquée de la Fraternité à Perpignan, inaugurée en 2006, se situe Mas de la Gibecière.
La mosquée de la Fraternité à Perpignan, inaugurée en 2006, se situe Mas de la Gibecière.

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