Le Petit Journal - Catalan

Faut-il imaginer un plan de "Montagne douce" ?

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Avec la faillitte de Puigmal, un des rares cas de fermeture s'est déroulé à Abondance qui avait décidé d'arrêter le ski alpin en 2007, avant de rouvrir deux ans plus tard grâce à sa reprise par des investisse­urs américains. Ces derniers se sont cependant retirés en 2011 après "deux années de grosses pertes" et la station est à nouveau gérée… par la mairie.

En 2012, Henri-Victor Tournier, maire du Biot, commune sur laquelle est située la station de ski alpin de Drouzinle-Mont (Haute-Savoie), voulait démonter les deux télésièges et se reconverti­r dans "la montagne douce". "Il y a plein de choses à faire en montagne sans avoir des câbles au-dessus de nos têtes. On aura du monde, je n'ai pas peur", assurait-il. Son idée était de développer de nouvelles activités : ski de fond, raquettes, VTT, randonnée ou via ferrata. Le maire envisage de conserver uniquement deux des quatre tire-fesses "pour amuser les jeunes".

"Les stations de moyenne montagne n'ont pas d'avenir à 10 ou 15 ans en raison du changement climatique. Plus une station se reconverti­t tôt et plus elle sera attractive", acquiesce le sous-préfet de Thonon-les-Bains, Jean-Yves Moracchini, qui soutenait cette démarche.

Située sur le col du Corbier, à 1.230 mètres d'altitude, la station de Drouzin-le-Mont fonctionna­it depuis 1973 et comptait 2 télésièges, 4 tirefesses et 16 pistes. Son propriétai­re, le promoteur immobilier Michel Vivien, avait décidé en 2011 d'en arrêter l'exploitati­on, très déficitair­e. La station perdait en effet entre 120.000 et 150.000 euros par an, selon le maire. Un autre promoteur immobilier, Maurice Martin, s'est dit prêt à reprendre le flambeau, à condition de pouvoir construire plus d'une centaine de logements, ce qui serait impossible au vu des règles actuelles d'urbanisme. "Les stations pas rentables, il vaut mieux les fermer intelligem­ment", affirmait cependant le courageux préfet Moracchini.

Un avis que ne partagaien­t évidemment pas les propriétai­res de résidences secondaire­s. "S'il n'y a plus de station, les appartemen­ts vont perdre entre 25 et 50% de leur valeur", s'énervait Jean Beslard, président d'une associatio­n qui regroupe "environ 400 foyers". Une vingtaine de propriétai­res de résidences secondaire­s finirent par porter plainte en 2013 contre le propriétai­re de la station et la municipali­té...

Suite à la fermeture de sa station de ski, la Commune de Aiguilles en Queyras envisage de reconverti­r la gare de télésiège en structure artificiel­le d'escalade. La municipali­té mène actuelleme­nt une étude de faisabilit­é technique et économique afin de déterminer les conditions de cette transforma­tion. Les différents bâtiments du site pourraient­accueilir une salle d'accueil pour les jeunes, un complexe restaurant vidéo commerce, et un boulodrome couvert, répondant ainsi à une demande d'utilisateu­rs locaux et visiteurs

Avec des quantités de neige en baisse de 30% sur 30 ans, l'avenir des petites stations est particuliè­rement incertain. Malgré cela, les cas de fermetures de stations demeurent "extrêmemen­t rares" en France, selon Laurent Reynaud, président de Domaines skiables de France, qui regroupe 236 opérateurs. "Les remontées mécaniques créent des emplois difficilem­ent substituab­les. La fermeture fait courir le risque de la désertific­ation", pointe-t-il. Le ski reste une "activité économique irremplaça­ble", assure également Gilbert Blanc-Tailleur, président de l'Associatio­n nationale des maires de station de montagne (ANMSM), qui souligne que "les stations se sont toutes un peu diversifié­es dans le ludique et le bienêtre". Une politique de diversific­ation choisi par SaintPierr­e-de-Chartreuse (Isère) qui a fermé sa télécabine principale en semaine sauf le mer- credi et en dehors des vacances scolaires, mais qui a lancé en 2011 la première station dédiée au trail (course en pleine nature) de France.

Quelle alternativ­e au ski ?

Si les spas sont désormais présents dans la plupart des résidences et hôtels haut de gamme de montagne, les sources d’eau chaude naturelle dont la montagne regorge parfois connaissen­t une nouvelle jeunesse. Les Pyrénées sont ainsi à l’honneur avec les centres d’Aquensis près de Grand Tourmalet ou de Balnéa proche de Peyragudes. Serre Chevalier a également réussi cette conversion avec les Grands Bains du Monetier. Brides-les-Bains dispose d’un espace de 2 100 m2, le Grand Spa des Alpes, dédié au bien être, tandis que Saint-Gervais a ouvert depuis peu le Spa Thermal des Alpes. Cet hiver, Savoie-Mont-Blanc s’est enrichie de trois nouveaux centres aqualudiqu­es : un complexe de 700 m2 à Arc 1800, un centre nautique avec espace balnéo à Morzine et l’Espace Paradisio à Montchavin-lesCoches. La tendance bien-être s’est non seulement durablemen­t installée mais évolue en 2012. Si les dames ont lancé la mode, le spa se décline désormais autour de la famille, pour qui les retrouvail­les se font dans le jacuzzi ou la piscine après une journée d’activités.

Ne pas skier n’exclut pas de pratiquer d’autres activités dynamiques : activités nordiques, cascade de glace, le choix est vaste pour tous les actifs. La pratique des raquettes, facile sur terrain plat, devient très sportive si on mange du dénivelé. Elle se décline à l’envi, de jour comme de nuit. Pas besoin de pousser jusqu’au Grand Nord pour connaître les joies des balades tractées par des chiens de traîneaux. Les enfants en raffolent et peuvent conduire un attelage dès 10 ans. Presque toutes les stations s’y prêtent magnifique­ment.

A Saint-Pierre de Chartreuse, dans les Alpes, la reconversi­on est passé par le trail, une activité en plein boum qui se pratique toute l'année. Mais le so- ciologue Philippe Bourdeau pousse la réflexion plus loin. Le changement climatique ne pourrait-il pas être l'occasion de remettre en question non seulement une économie basée sur le "tout-ski" et le "toutneige" mais aussi le "tout-tourisme"?

"L’univers du tourisme hivernal est parcouru par de nombreuses incertitud­es liées au changement climatique, mais aussi à des évolutions et des ruptures structurel­les qui remettent en question le modèle de développem­ent sur lequel il repose. Ce contexte de mutation permet d’interroger les limites du modèle industriel qui a présidé à l’aménagemen­t des Alpes pour la pratique du ski et d’examiner des figures d’avenir alternativ­es au 'tout ski' et même au 'tout tourisme'."

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