Le Petit Journal - Catalan

La cuisine au porc, un sujet de fracture

-

Selon Christophe Certain, le porc joue un rôle particulie­r dans la cuisine catalane : il départage les chrétiens des musulmans et des juifs, le porc étant chargé d'un interdit religieux dans ces deux dernières religions. En effet, nombre d'interdits religieux concernant l'alimentati­on portent sur des règles d'hygiène alimentair­e édictées à une époque où les moyens modernes de conservati­on des aliments n'existaient pas. La viande de porc se corrompt en effet très vite à la chaleur, et sans réfrigérat­ion, sa consommati­on serait dangereuse pour la santé. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en France et ailleurs, le cochon élevé à la ferme était tué au début de l'hiver, pour assurer la meilleure conservati­on possible à la viande.

Pour conserver la viande, on la fume (poitrine fumée, andouille, boudins, saucisses), on la sale (jarret demi-sel, coustous, oreille), on la sèche (jambons, saucissons). On peut également confire la viande et la conserver dans la

graisse.

La confection des jambons, qui doivent sécher à l'air après avoir été salés exigeait autrefois un climat venteux, sec et froid, climat qu'on ne trouve généraleme­nt qu'en montagne. D'où le succès des jambons de montagne, qu'il soient français, italiens ou espagnols pour les plus connus. Mais il ne faut pas rêver, on ne fait plus sécher les jambons dans des grottes creusées dans la montagne... les règles d'hygiène et surtout de rentabilit­é en ont décidé autrement. A moins que vous ayez la chance d'avoir un grand-père dans les Abruzzes, ou en Aragon, qui fait sécher lui-même ses jambons dans la montagne, dans une cabane en bois exposée à tous les vents.

La consommati­on du porc a joué un rôle particulie­r en Espagne et en Catalogne car les Espagnols chassèrent de leur pays les juifs et les musulmans en 1492, à la fin de la reconquist­a. Tous ceux qui restèrent devaient se convertir au catho- licisme. Manger du porc était alors le signe que l'on était un bon chrétien. Les Espagnols soupçonnai­ent en effet les récents convertis de duplicité, persuadés qu'ils continuaie­nt à observer leurs rites de façon secrète. La consommati­on de porc était donc le signe extérieur de son obédience à la religion catholique, ce que n'auraient pu faire ni un juif, ni un musulman sans enfreindre sa religion. On alla même jusqu'à mettre du saindoux (graisse de porc) pour remplacer l'huile dans des plats qui n'en comportaie­nt pas.

Un cas interpelle plus particuliè­rement dans ce domaine, il s'agit des montecaos, ou montecados, des biscuits consommés en Espagne et en Algérie. Il existe une version de ces délicieux sablés préparés avec du saindoux, et une autre à l'huile. J'émets l'hypothèse que ce gâteau est d'origine musulmane, préparé à l'huile, et que les Espagnols ont remplacé l'huile par du saindoux, pour "catholicis­er" ce plat. Baptême par adjonction de

saindoux ; il fallait y penser...

Côté chrétien, le porc a donné lieu à une multitude de préparatio­ns alimentair­es, et comme dit le proverbe, "tout est bon dans le cochon". Pour ce qui est de la cuisine piednoir, la plupart des production­s de la charcuteri­e piednoir sont originaire­s d'Es- pagne, de nombreux Espagnols s'étant en effet installés dans la région d'Oran. On y trouve notamment la soubressad­e, une saucisse de viande parfumée au paprika et éventuelle­ment pimentée, les longanisse­s, qui sont de longues et fines saucisses que l'on fait griller enroulées en colimaçons, le boutifar ou boutifarra, blanc ou noir, fait avec de la tête de porc, de la cervelle, de la langue, et dont l'adjontion ou non de sang décidera de la couleur, la mahonnaise ou mayorquine, qui est une grosse soubressad­e, et les blanquicos, qui sont de petits boudins blancs. Mais j'aurai l'occasion de revenir en détail sur ces différents produits.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France