Le Petit Journal - Catalan

L'hôtel Drancourt, chef d'oeuvre à vendre !

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Viggo-Dorph Petersen est un des architecte­s qui a marqué de façon caractéris­tique l'architectu­re bourgeoise de la Belle-Époque dans les Pyrénées-Orientales et conférant à ce territoire des airs de Bavière. À la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, sa réputation et son talent établis, il devient la coqueluche d'une bourgeoisi­e décomplexé­e par l'embellie économique de cette « Fin de siècle ». « Moderniste par ses techniques et classique par le respect des règles de l'époque, la main de Petersen correspond bien à ce que veut la haute bourgeoisi­e de l'époque : afficher sa fortune et rêver aux temps jadis »

Viggo Dorph Petersen est né au Danemark en 1851 d'une famille nombreuse, il est élève au Tekninsk Institut puis diplômé de l'École des Beaux-arts de Copenhague. Petersen arrive en France à l'âge de 28 ans et poursuit ses études aux Beaux-arts de Paris. Il épouse une française originaire de Castres. Celle-ci est souffreteu­se et son médecin lui conseille de vivre au grand-air. Les Petersen s'installent dans la ville thermale de Vernetles-Bains où il construit un hôtel (Hôtel du Portugal). Son talent et son originalit­é ne passent pas inaperçus. Petersen s'installe à Perpignan. Sa réputation établie, il devient la coqueluche de la bourgeoisi­e catalane. Il est nommé viceconsul du Danemark à Perpignan en 1906. L’embellie économique de la Belle Époque décomplexe la bourgeoisi­e qui donne carte blanche à Petersen. Il bâtit des demeures bourgeoise­s aux dimensions extravagan­tes, dont les clochetons travaillés, les tourelles élancées, les fenêtres longues et asymétriqu­es, les bow-windows et les médaillons floraux en céramique forment de curieux, mais harmonieux, mélanges de styles. Petersen laisse ainsi exprimer tout son savoir-faire dans des créations raffinées et délicates.

Lorsqu'il entame sa carrière dans le départemen­t des PyrénéesOr­ientales, notre architecte va pouvoir tirer parti d'une période qui fait coexister en Roussillon, l'âge d'or des négociants et des industriel­s et celui de l'élargissem­ent de Perpignan suite à la démolition des remparts nord de la ville. Un nouvel espace urbain s'ouvre où les architecte­s vont pouvoir donner libre cours à leur imaginatio­n. « L'austérité de la période précédente cède la place à une architectu­re d'une grande ambition monumental­e témoignant d'une clientèle fortunée en quête d'une représenta­tion sociale. Pour répondre à cette attente, les architecte­s se réappropri­ent des modèles historique­s. C'est le cas d'une bonne partie de l'?uvre de Petersen, comme par exemple, l'hôtel Gibrat, d'inspiratio­n néo-renaissanc­e avec des éléments néo- baroques ou encore le château d'Aubiry à Céret,.

On doit ainsi à Viggo Dorph-Petersen le Château Ducup de SaintPaul au Parc Ducup, le Château de Valmy à Argelès/mer, la Villa de la famille Lazerme à Elne, le château de l'Esparrou à Canet, la Villa Jeanne d'Arc à Céret ( ancien restaurant Les Feuillants), la Villa Camille à Banyuls-sur-mer, la Villa Les Tilleuls (Musée Puig à Perpignan), l'immeuble François Gibrat avenue des Palmiers à Perpignan (Lycée privé Maso), le temple protestant de Collioure, la villa Villeclare à Palau-del-Vidre, la Villa Palauda à Thuir. Rien qu'à Perpignan : la Villa Les Tilleuls (actuel Musée Puig à Perpignan), l'immeuble François Gibrat (actuel lycée privé Maso avenue des Palmiers), l'hôtel du bureau de Bienfaisan­ce (rue Bardou Job à Perpignan), l'immeuble Parès (boulevard des Pyrénées), l'immeuble Pams-Bouvier (quai Vauban), l'ancien Café de la Loge (rue de la Loge)…

Son chef d'oeuvre perpignana­is est toutefois le fameux hôtel Drancourt. Emile Drancourt était un négociant en vins prospère. Dès 1894, il est implanté dans le quartier Gare. Le 10 décembre 1899, les travaux de sa nouvelle résidence, aux allures de petit château débutent. Il porte son choix sur l’architecte en vogue à cette époque et coque- luche de la bourgeoisi­e locale, Viggo Dorph Petersen après avoir vu (d’après sa petite fille) le château d’Aubiry en se rendant à Céret. L’entreprene­ur de maçonnerie sera Pierre Pares qui travailla beaucoup avec Petersen.

Sur l’arrière et les côtés, il y avait un entrepôt et des quais d’expédition. Mais cette immense propriété, au début des années 1950 a été découpée puis d’autres immeubles d’habitation sont apparus (rue Cabrit et impasse Drancourt), si bien qu’aujourd’hui on observe que la demeure principale est simplement entourée d’un petit jardin.

Aujourd'hui ce chef d'oeuvre est à l'abandon et si vous vous demandiez où descend la famille Addams lors de ses vacances dans le sud de la France, ne cherchez plus, on a trouvé : impasse Emile Drancourt, une petite rue perpendicu­laire à celle de la gare ferroviair­e et idéalement placée à deux pas de la place Catalogne. Complèteme­nt abandonné, l'hôtel Emile Drancourt offre des airs de maison hantée voire de manoir, qui font froid dans le dos.

Mais si le coeur vous en dit, si vous pensez que la "Belle Epoque" était décidément plus intéressan­te que celle de François Holande, l'hôtel particulie­r est à vendre !

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