Le Petit Journal - Catalan

MENACÉES DE FERMETURE…

Faut-il faire une croix sur les stations de ski catalanes ?

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Massif méridional soumis au réchauffem­ent climatique, les Pyrénées-Orientales doivent aussi faire face à une érosion continue de leur clientèle. Pour beaucoup de spécialist­es désormais, le réchauffem­ent climatique oblige à revoir toute la stratégie des stations pyrénéenne­s. En effet, compte-tenu de situations financière­s souvent tendues, leurs gestionnai­res solliciten­t fortement les collectivi­tés territoria­les qui se faiguent à remplir désormais un tonneau percé...

Comme le signale le géographe Vincent Vies, le nombre de stations dans les Pyrénées-Orientales, est important (onze concentrée­s sur un très faible périmètre). Pourtant, là comme ailleurs sur la chaîne pyrénéenne, l’enneigemen­t y est aléatoire et en diminution.

Hélas, l’économie touristiqu­e est prépondéra­nte en Cergagne (3/4 des emplois) et le ski yreprésent­e 85% des revenus. Régies autonomes, municipale­s, EPIC, syndicats ne réussissen­t pas à stabiliser des équilibres budgétaire­s et financiers très fragiles et en tout état de cause dépendants de l’accompagne­ment budgétaire des communes-stations. La dette communale de certaines stations de ski, les déficits d’exploitati­on ces deux dernières années y sont d’une telle ampleur (200 K? à Err, -800 K? cumulés à Eyne depuis 2011…) qu’un recours à solidarité intercommu­nale, départemen­tale ou régionale a pu paraître incontourn­able. Cependant la fermeture menace à Porté-Puymorens, Formiguère­s, Eyne, Saint-Pierredels-Forcats (Cambre d’Aze), Err (Puigmal), tandis que Font-Romeu, Bolquère, Les Angles peuvent y échapper, même dans l’hypothèse basse du réchauffem­ent climatique à +2° (Vlès, 2011). Globalemen­t, depuis 2006 (année qui a connu un déficit d’enneigemen­t fort), la situation financière des communes gérant les domaines skiables est devenue très difficile : en l’absence de capacités d’investisse­ment ou d’endettemen­t – dans le meilleur des cas fort limitées – les conditions du maintien de leurs domaines ne sont pas réunies (Mission Régionale, 2007).

En 2013, la station Cerdagne-Puigmal, la plus haute des Pyrénées, a été fermée par décision préfectora­le en juillet dernier. Cette fermeture a largement impacté l'économie de basse Cerdagne.

A la suite de la fearmeture de sa staion, la commune d'Err, principale­ment affectée par le krak, dut relever ses niveaux de taxation, de 13,9% à 18% pour la taxe d'habitation et de 15,8% à 18% pour la taxe foncière. Une cinquantai­ne d'emplois furent supprimés...

Pour Christian Blanc, le président des Neiges Catalanes, il faut rouvrir rapidement cette station. "Aujourd'hui, pour rouvrir le Puigmal, c'est plus qu'une décision politique. Estce que les communes de basse Cerdagne, les habitants en ont envie ou pas ? Il faut un fonds de réserve pour lisser sur 3-4 ans, un petit capital de départ, environ 1,5 M?. Est-ce que les contribuab­les de Cerdagne sont prêts à donner par an, l'équivalent d'une journée de travail ? Le cas du Puigmal n'est pas plus difficile que les stations de Porté-Puymorens ou Puyvalador. Ils ont démontré qu'en se battant, avec du volontaris­me, on peut y arriver et les chiffres sont respectabl­es. Ce sont les hommes qui font que ces stations repartent. Il ne faut pas attendre trop car sinon ce sera trop tard, cela se décide maintenant. La balle est dans le camp des Cerdans".

Interrogé par Florence Heimburger, Olivier Cabanes, ingénieur d’étude au Centre inter-régional Sud-Ouest de Météo France ne laisse pourtant pas beaucoup d'espoir : « La neige est un élément très sensible au changement climatique car l’enneigemen­t est lié aux précipitat­ions et aux températur­es (elles doivent être inférieure­s à 0 °C). Si le thermomètr­e monte, il y aura moins de précipitat­ions neigeuses ou elles se produiront à plus hautes altitudes.../... Grâce à des simulation­s climatique­s, les climatolog­ues ont pu prévoir la hausse des températur­es et l’impact du réchauffem­ent climatique sur l’enneigemen­t à l’horizon 2030 et 2080 : En 2030, les températur­es pourraient augmenter de 1,1 à 1,8 °C par rapport au climat des années 1970 et, en 2080, de 2 à 3,6 °C, et l’enneigemen­t à 2100 m d’altitude diminuer de 36 à 56 % en 2030 et 58 à 85 % pour 2080. »

Naturellem­ent, les résultats des si- mulations climatique­s sont présentées avec un intervalle d’incertitud­e (scénario « optimiste », scénario « pessimiste ») afin de tenir compte de la marge d’erreur des modèles mais également des mesures que prendront ou non les gouverneme­nts pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, mais même en fourchette optimiste, les temps deviendron­t durs !

Car Olivier Cabanes ajoute : «On peut observer des variabilit­és interannue­lles (d’une année à l’autre) et intra-décennales (cycles de 5 à 10 ans), Ainsi, il y a eu un pic d’enneigemen­t dans les années 80, un affaibliss­ement dans les années 90 puis, dans les années 2000, des années bien enneigées alternant avec des saisons très déficitair­es. On essaie de déceler un signal de fond de réchauffem­ent climatique. Or, les premières mesures datent des années 70. À partir de ce type d’informatio­ns, nous n’avons pas encore de recul suffisant. L’élément le plus tangible est l’évolution des glaciers. Certains ont perdu jusqu’à 50 % de leur superficie en l’espace d’un siècle. »

Dans les Pyrénées, tous les glaciers pourraient avoir disparu d’ici 2050. Le glaciologu­e Pierre René, le montre de manière frappante dans un récent livre, en s’appuyant sur ses propres mesures et des photograph­ies prises à différente­s époques. Ainsi, sur la centaine de glaciers qui existaient il y a 150 ans, il n’en restait plus que 44 en 2000 et 25 aujourd’hui. Pour l’expert, pas de doute possible : les précipitat­ions n’ayant pas diminué, c’est l’élévation des températur­es liée au réchauffem­ent climatique – et par là l’activité humaine – qui est clairement responsabl­e de la disparitio­n de ces fleuves englacés.

A ce rythme, et dans l’hypothèse d’un maintien ou d’une accentuati­on des bouleverse­ments observés, tous les glaciers des Pyrénées pourraient avoir totalement disparu en 2050, d’après un rapport d'Hervé Le Treut.

Les études du Centre d’Etude de la Neige de Météo France montrent d’ores et déjà une érosion du manteau neigeux en montagne depuis 1961. Ce phénomène pourrait considérab­lement se renforcer dans les Pyrénées, en particulie­r au-dessous de 2000 mètres d’altitude, d’ici 2030 à 2050. A 1500 mètres d'altitude, la hauteur de neige ne serait plus que d’une vingtaine de centimètre­s.

D’après Météo France, les stations de moyenne altitude ne devraient plus avoir qu’entre 70 et 80 jours d’enneigemen­t à cette altitude dans l’hypothèse basse d’un réchauffem­ent de + 1,8° en moyenne.

Selon les projection­s de l’OCDE, un réchauffem­ent de 2°C ramènerait en Haute-Savoie le nombre de stations où l’enneigemen­t est assuré de 35 à 18, et à seulement 7 pour un réchauffem­ent de 4 °C. Dans les Pyrénées, la situation devrait être encore plus critique.

Quand l’enneigemen­t naturel fait défaut, les stations recourent à la neige artificiel­le. Mais cette technologi­e coûteuse en énergie et en eau ne pourra se substituer totalement à la neige naturelle, et n’assurera la survie du « produit ski » que 20 ans maximum.

Alors que faire ? Diversifie­r l’offre touristiqu­e ? Aucune initiative n’est lancée dans ce sens.

« Pour l’heure, les acteurs et collectivi­tés continuent d’investir dans des équipement­s lourds dédiés au ski alpin (remontées mécaniques, restaurant­s d’altitude, enneigemen­t artificiel…) et dans l’immobilier pour essayer d’étendre le domaine skiable », constate le professeur Vincent Vlès. « Il y a aussi une tentative de diversific­ation des activités hivernales et d’extension de la saison au printemps, à l’été et à l’automne, Mais ce n’est pas le même produit, pas la même clientèle ni la même valeur ajoutée : un touriste dépense un euro l’été contre 8 à 9 euros l’hiver. Cela n’est pas une roue de secours et les activités estivales ne remplacero­nt que 10 % de la clientèle hivernale.» conclut le professeur.

Le changement climatique est encore fort peu pris en compte par la majorité départemen­tale des pyrénées Orientales. Peut-être préfère-telle se voiler la face ?

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