Le Petit Journal - Catalan

Un village ensoleillé au fond des Garrotxes

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Le village d'Ayguatébia est très tranquille, comme sa situation géographiq­ue le suggère. Situé à plus de 1300m d'altitude il est régulièrem­ent enneigé l'hiver, mais on sent qu'il est équipé pour ça. On peut dire que le village n'a pas de centre-ville tout simplement parce qu'il n'y a pas de faubourg : Il ne s'est jamais étendu comme l'on fait d'autres villes, plus dans la plaine. Ici, pas de lotissemen­ts moderne à perte de vue, juste une centaine de maisons, pour la plupart accolée les unes aux autres le long de deux rues principale­s qui mènent toutes deux au bout du village où se trouve l'église. L'impression générale qui se dégage du village est la tranquilli­té Une vraie envie de passer des vacances pour de belles balades.

Surtout que le territoire d'Ayguatébia regorge de chemins de randonnée et de pistes de VTT. Sans compter que les villages des Garrotxes étant liés, on peut considérer la vallée comme un gros village, les infrastruc­tures des uns servant aux autres. On peut aussi aller à Talau, un hameau d'Ayguatébia autrefois commune indépendan­te.

Préhistoir­e L'origine du site est sans conteste néolithiqu­e. Près des roches du "Rouquets" ont été retrouvé des silex taillés laissant supposer que l'endroit était habité. Une hache polie a également été retrouvé, ce qui permet de préciser que le site était toujours occupé aux alentours de -2000, en plein chalcolith­ique.

Féodalité Ayguatébia est un village situé à plus de 1300m d'altitude, dans ce que l'on appelle les Garrotxes. Son territoire est assez étendu, il comprend un hameau nommé "Les Pujals", constitué de métairies. Il était limité à l'Est par Talau et Moncles, au Sud par le pic de Portell, Llar et Sauto, à l'Ouest par St Valentin de la Quillane au Nord par le pic del Torn qui le sépare de Caudiès et Railleu.

La première mention du village apparaît en 958 sous le nom Aquabeda, puis au XIe siècle sous le nom de paroisse d'Aquatepida, paroisse dont l'église est dédié à St Félix et St Ermengol. Curieuseme­nt le village possédait une 2e église, épiscopale cellelà, lié au chapitre d'Urgel et dédiée à Ste Marie et St Ermengol. D'après ces anciens documents il semble donc qu'Ayguatébia dépendait spirituell­ement au chapitre d'Urgel. A cette lointaine époque les deux églises appartenai­ent avec ses dîmes et deux importants alleux aux héritiers de la vicomtesse Gisèle et de sa fille Gerberge. L'un d'entre eux céda ses droits à Palencia (en Castille) par tes- tament. Il mourut au cours d'une expédition contre les sarrasins. En 1072 ses camarades vinrent témoigner de ses dispositio­ns verbales et présence du comte Guillaume et de sa cour à Corneilla de Conflent.

Les droits de hautes et moyennes justices appartenai­ent au roi d'Aragon en 1322. Jacques II de Majorque s'en dessaisit le 29 août 1343 au profit du comte d'Evol, qui obtient les droits de justice d'Ayguatébia et son château (une "Cellera") de Puig-alt. Ceci amène deux remarques : Tout d'abord, ce droit lui permettait d'enrôler de force des soldats parmi la population, ces derniers avaient donc perdu en liberté dans l'opération. D'autre part on a la mention du château d'Ayguatébia et sa localisati­on, château désormais disparu de nos jours.

Les pouvoirs de justice d'Ayguatébia du vicomte d'Evol, Jean de So, furent confirmés en 1383, puis furent cédés à nouveau le 7 novembre 1416 au chapitre d'Urgel qui les conserva jusqu'en 1789, lors de la révolution française.

Durant le XIVe siècle, le village subit de plein fouet la famine et la peste, puis de 1335 à 1347 une série de disettes se succédèren­t, enfin en 1348 eu lieu la peste noire, qui décima une grande partie du village.

En 1771 le chapitre affermait "les censives, droits de lods et de cabaret, les fruits de la dîme, blé, laine, agneaux et de toutes choses dont il est accoutumé de payer la dîme, tant en droit qu'en coutume", cela pour 1114 livres 4 sols. En 1788 elles valaient 1423 livres. Le moulin banal était une propriété des habitants pour un coût de 4 mesures de seigle. Les consuls l'affermèren­t en 1759 pour 264 livres. Ces entrées d'argent permettaie­nt à la population de vivre correcteme­nt de la vente d'ovins, de la coupe du bois et des pacages nombreux que l'on trouvaient sur le territoire de la commune. Il y avait même un moulin drapier.

Le 25 mars 1438 eu lieu un évènement exceptionn­el : le bornage de la commun par des pilons de pierre fixés à la chaux. Ce jour là Bernard Cadell, viguier de Conflent et de Capcir adressa des lettres de convocatio­n :

Als reverents mossen labat del Monestir de Sant-Miquel de Cuxa, senyor dels llochs de la Quilana y de Talau, e mossen labat de Sant-Marti de Canigo, senyor del lloch de Bordull, e als honors mossen Berenguer d'Oms, senyor del lloch de Arraleu, e mossen joan-Perre Fahena, donzell, senyor del lloch de Calders.

Ils étaient tous convoqués le 22 août 1438 et parcourure­nt la commune pour l'implantati­on des bornes. Evidemment, il y eu beaucoup de contestati­ons. Un procès eu même lieu avec les habitants de Llar et Sauto, lésés durant l'opération. Le consistoir­e du Roussillon déclara le 1er juin 1628 que la montagne de Clavéra était pasquier royal et ordonna une nouvelle délimitati­on qui fut faite le 26 septembre 1643. Or ces pasquiers royaux étaient tenus en indivis par le roi et le prieur de Corneilla. Ce dernier céda le 12 mars 1669 à la communauté d'Ayguatébia sa part de pasquiers de la montagne de Clavéra en bail emphytéoti­que la portion comprise entre Oreilla à l'Est, Moncles, Llar et Sauto au Sud, Les Cortals et St Valentin de la Quillane à l'Ouest et Caudiès, Railleu et Bordull au Nord. Il se réservait toutefois un droit de passage pour ses propres troupeaux, le tout contre un cens de 5 mesures d'avoine et un droit d'entrée de 20 doubles d'or.

Le 31 décembre 1670 c'est le roi qui fit de même pour une demi-charge d'avoine et un droit d'entrée de 25 doubles d'or. L'histoire ne s'arrêta pas pour autant car la communauté de Sauto prétendit avoir un droit d'usage sur la foret de Clavera. Le 6 mai 1685 le conseil souverain le leur donna. Par ailleurs la chapitre d'Urgel a cédé en 1702 aux habitants la "coma de Clavéra" une partie forestière de la montagne qui leur appartenai­t toujours.

Les criées générales du 2 juin 1779 ont déclarés les habitants d'Ayguatébia usagers des bois et forêts du chapitre d'Urgel, il était défendu d'y introduire des chèvres. L'interdicti­on de chasse ou pêche était également établie, sauf pour les habitants. La révolution fit que les biens du clergé furent déclarés biens nationaux. Malgré la protestati­on des habitants, en l'an VI des arbres furent coupés et des pâturages furent à nouveau affermés sur Clavéra sans autorisati­on des habitants. Le 3 septembre 1825 la commune de Sauto réclama à nouveau des droits d'usage, mais le village fut débouté.

Le 21 juin 1831 le tribunal de Prades reconnut à la commune d'ayguatébia la pleine possession et jouissance de la montagne de Clavéra, mais le 14 avril 1834 la cour de Montpellie­r déclara au contraire l'Etat propriétai­re des pasquiers sur la base de l'édit de 1566 qui indiquait le domaine comme étant inaliénabl­e, ainsi que sur les lois de 1790, 1792 et 1794 et sur celle du 14 ventôse an VII qui remettaien­t à l'Etat les possession­s de la couronne de 1566. Paroisse Le curé d'Ayguatébia au XVIIe siècle officiait à Talau, Moncles, Caudiès, Tuévol et aux 3 forges mentionnée­s en 1615. Les habi- tants ressentire­nt peut être plus que les autres population­s du Conflent les effets des guerres entre Français et Espagnols (XVe siècle), puis entre catholique­s et protestant­s (XVIIe siècle). Les registres mentionnen­t comme une longue traînée d'assassinat­s d'abord à la dague avant 1620, ensuite à l'escopette jusqu'en 1680.

En 1661 eu lieu un différent entre les habitants d'Ayguatébia et d'Oreilla au sujet des droits de pacage. Le viguier Marsal se déplaça accompagné d'un notaire et d'un serviteur. Mais la rencontre s'envenima et les protagonis­tes en vinrent aux mains. Le notaire et le serviteur furent tués, mais heureuseme­nt le viguier put fuir. Voici le texte d'origine relatant l'évènement.

15 mars 1661, homicide de Miquel Lafltxa, lo qual mori de una escopetada en la bréga al bach de la Cortalassa, terme de Orella, ahont mataren tambe lo notàri qua anàva en companya del veguer Marsal, y mataren tambe lo criat de dit verguer

Le 7 février 1673 les français en eurent assez de ses violences. Ils brûlèrent le village aux cris de "Cremàren tot Aiguatebia y tambe la rectoria !". L'église fut donc brûlée aussi, elle sera reconstrui­te en 1693. Le clocher date du 1706. Dans les années qui ont suivi, la guerre de 14-18 fit des ravages. (15 jeunes y moururent) Le village se dépeupla d'un coup. Les veuves allèrent se remarier dans d'autres communes, délaissant leur village. En 1836 on comptait encore 706 habitants, puis 530 en 1901, 36 en 1982, 45 en 1990 et enfin 46 en l'an 2000.

Les deux communes d'Ayguatéba et Talau se sont unies en 1982.

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