Le Petit Journal - Catalan

Biscuits LU : de Nantes à Mondelez, une saga de 170 ans

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Petit Beurre, Paille d’Or, Petit Ecolier : les biscuits iconiques de la marque LU ont accompagné des génération­s de Français et fait grandir la petite entreprise nantaise, née il y a tout juste 170 ans et aujourd’hui propriété du géant américain Mondelez.

L’histoire

L’histoire de LU commence avec Jean-Romain Lefèvre et Pauline-Isabelle Utile, couple venu de l’Est de la France ouvrir une pâtisserie à Nantes en 1846. Cette première génération prospère dans le gâteau haut de gamme, mais c’est leur fils Louis Lefèvre-Utile qui va réellement faire décoller l’affaire familiale. “Il veut battre les Anglais sur les biscuits”, créneau où ils sont dominants, et “part en Angleterre apprendre le métier”, raconte Bertrand Goursolle, directeur marketing biscuits chez Mondelez internatio­nal. Louis en revient avec “des machines-outils et débauche des spécialist­es pour l’aider”, ajoute-t-il. Enfin, il fait l’acquisitio­n d’une ancienne filature sur l’île de la Gloriette, à Nantes, pour lancer une production industrial­isée.

Comme son concurrent bordelais Olibet, “LU (...) a construit la catégorie des biscuits industriel­s fabriqués à moyenne ou grande échelle et vendus sous marque”, souligne Olivier Londeix, professeur d’Histoire à l’Université Bordeaux-Montaigne. “Ces marques sont à l’origine d’un modèle de consommati­on : elles ont fabriqué le consommate­ur”.

Le Petit Beurre

Louis, touche-à-tout visionnair­e, invente en 1886 le Petit Beurre, un biscuit construit comme une allégorie du temps avec autant de festons que de semaines (52), quatre coins pour les saisons et 24 points pour rappeler le nombre d’heures dans une journée. En 1905, il créera la gaufrette en forme d’épi des biscuits Paille d’Or.

C’est le début d’une période faste. Louis fait du marketing sans le savoir en commercial­isant ses biscuits dans des boîtes en fer décorées et en s’adressant aux meilleurs artistes de l’époque pour ses publicités, tels Alfons Mucha ou Sarah Bernhardt. Il profite de l’Exposition universell­e de 1900 pour faire sensation avec un pavillon de style Art nouveau. L’entre-deux-guerres sera toutefois moins riant pour LU, “dépassé par des entreprise­s qui ont mieux opéré le tournant du taylorisme, c’està-dire du profit par le volume”, souligne M. Londeix.

Il faut attendre l’arrivée de Patrick, quatrième génération de Lefèvre-Utile, dans les années 50, pour voir la marque redécoller. Il va par exemple formaliser le sigle LU en faisant appel au célèbre designer américain Raymond Loewy et surtout “va comprendre qu’il n’y a pas d’autre choix que produire en masse” et rattraper le retard de productivi­té.

L’associatio­n

Cependant, face à l’arrivée des Américains sur le marché français à partir des années 1960, les biscuiteri­es hexagonale­s souffrent de leur éparpillem­ent tant géographiq­ue que capitalist­ique. Patrick décide donc de s’associer avec son concurrent Brun et quatre autres biscuiteri­es en 1967. Mais l’opération sera fatale à l’entreprise familiale, car Patrick, mis en minorité lors d’un Conseil d’administra­tion, perd le contrôle de la société au début des années 70, raconte M. Goursolle.

La co-entreprise entre en bourse en 1978 sous le nom de Générale Biscuit et passe en 1986 sous le contrôle de BSN, qui deviendra Danone en 1994. Ce passage aux mains du géant de l’agro-alimentair­e sera marqué par une restructur­ation en 2001 : le départ de plus de 800 “P’tits LU”, salariés de la bis- cuiterie, et la fermeture de deux usines.

“En réalité c’est la marque LU qui a traversé les siècles, pas l’entreprise”, rappelle Olivier Londeix. En 2007, Danone cède son activité biscuits, dont LU France, ses neuf usines et ses 3.000 salariés au géant américain Kraft Foods. Le groupe se scindera en deux en 2012 et les activités de LU aboutiront chez Mondelez Internatio­nal. Sous bannière américaine, LU “conserve un avantage comparatif déterminan­t au niveau local, une empreinte dans la mémoire des Français” avec des “produits très populaires et une forte identité”, insiste M. Londeix.

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