Le Petit Journal - Catalan

La solution se trouvet-elle dans le pré ?

Alors que les crises laitières s’enchaînent et pèsent lourdement sur le quotidien des éleveurs, certains ont fait le choix de l’autonomie, en menant à nouveau leurs vaches dans les pâturages manger... de l'herbe.

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À peine 08H00 en ce jeudi d'été. Comme chaque jour depuis dix-huit ans, Fabrice Charles, éleveur-laitier bio à Quessoy (Côtes-d’Armor) poursuit, muni de son tablier vert imperméabl­e, sa traite matinale. Une soixantain­e de vaches, des Prim’Holstein, passent entre ses mains et celles de son épouse, Christelle. Contrairem­ent aux vaches de la ferme voisine, il n'y a qu'une seule traite par jour.

Il y a tout juste sept ans, cet agriculteu­r de 43 ans, lassé d’être le "pion" des coopérativ­es, s’est en effet tourné vers la culture... de l’herbe. Plus de maïs, de blé, ni d’orge sur les cinquante-deux hectares que compte l’exploitati­on.

Ici, on "rééduque" des bêtes qui "ne savent plus pâturer" lorsqu'elles arrivent dans sa ferme. "L’avantage avec ce système, c'est que l’herbe est un élément naturel, elle pousse toute seule, et ce, toute l’année, sauf peut-être durant deux ou trois mois", explique Fabrice Charles. "Donc, ce qui a été flagrant au début, c’étaient les résultats économique­s. On comprend vite que c'est le système pâturant qui est performant, et que c’est lui qui engendre le moins de coûts".

Avec des charges de plus en plus basses, notamment pour les frais liés à l’alimentati­on des vaches ou encore à la mécanisati­on, ce producteur de lait bio depuis plus d'un an a retrouvé rentabilit­é, autonomie et qualité de vie.

Conséquenc­e de ce mode d'élevage, Fabrice Charles a réduit de moitié sa production de lait, passant de 7.200 litres par vache et par an, à 3.600 litres.

Mais il gagne 43 centimes d’euro par litre de lait, soit au moins une fois et demie de plus qu’un producteur de lait convention­nel.

'se déconnecte­r du volume'

"Ce qu’il faut, c’est se déconnecte­r du volume de la production, et accepter de faire moins. Mais ça, c'est compliqué pour un paysan", reconnaît-il.

"Au début, tu es la brebis galeuse du vil- lage", confie-t-il. "Mais on a quand même fait le choix de produire moins pour gagner plus. Et aujourd'hui, on peut parler de rentabilit­é. Je peux dire que je gagne ma vie correcteme­nt".

Le passage à l'herbe a été "progressif" : "Tout ne s'est pas fait en un jour. Il a fallu que je me forme, que je corrige le tir quand ça a été nécessaire", rappelle-t-il. "Parce qu’à l’école, on ne nous a jamais parlé d’herbe !"

Un constat que dresse également Patrick Thomas, producteur de "lait herbager" dans la commune de Plouguenas­t (Côtesd’Armor): "Tout est robotisé maintenant dans les écoles", déplore-t-il. "Et puis après, ce sont toutes les autres structures, comme la Chambre d'agricultur­e, qui vont mettre à l’honneur les nouvelles technologi­es et la modernité. Mais qu’est-ce que ça signifie +être moderne ?+".

Cette prise de conscience, cet agriculteu­r de 57 ans l’a opérée vingt ans plus tôt. Depuis, il s'en sort "moins mal que les autres".

Patrick Thomas s’est lancé dans cette expérience "seul dans son coin", après s’être entretenu avec des adhérents des Côtes d'Armor du Centre d’étude pour un développem­ent agricole plus autonome (Cedapa).

Aujourd’hui, ses 50 vaches de race normande pâturent sur une parcelle de 60 hectares. Pas assez conséquent­e toutefois pour qu'il puisse "pousser le système à 100%". Alors, en complément, il cultive "deux ou trois parcelles de maïs et de blé".

S’il note qu’un "gouffre" s’est creusé entre les autres agriculteu­rs et lui, l’éleveur ne regrette pas pour autant son choix : "Je pense que le moment est venu de se poser les bonnes questions : soit on continue à foncer tête baissée dans le système industriel qui produit les effets que l'on connait, ou alors, on innove, on met autre chose en place."

Difficile encore d'évaluer le nombre d'agriculteu­rs à avoir pu faire, en France, "le choix de l'herbe", mais la pratique progresse, chez ceux qui osent et qui ont des exploitati­ons qui le permettent.

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