Les brigades sacrifiées
Rubrique des lecteurs
1936 2016: Patrick Rotman retrace l’histoire des volontaires venus du monde entier combattre le franquisme
La France a une relation passionnelle avec la guerre d’Espagne (1936-1939). En cette année d’anniversaire du Front populaire sont revenus les débats sur la politique de non-intervention du gouvernement de Léon Blum. Et, dans le même temps, à propos de la guerre en Syrie, les comparaisons ont fleuri autour de l’accueil des réfugiés, des bombardements de civils, comme à Guernica, et des volontaires étrangers de l’organisation Etat islamique comparés aux Brigades internationales de l’époque. Patrick Rotman, avec son film La Tragédie des Brigades internationales, ne s’est pas embarqué sur ce terrain miné.
Il propose un classique documentaire historique sur les 35 000 volontaires étrangers engagés aux côtés de la République espagnole. Des images d’archives, souvent rares, comme celles étonnantes de Gerda Taro et de Robert Capa, parfois en couleurs, mises bout à bout, sou-tenues par un commentaire suivant au plus près le déroulé chronologique, sans interventions d’historiens.
Il y a deux manières d’évoquer l’épopée des Brigades internationales. La première est de décrire des unités de volontaires dirigées par des chefs staliniens sanguinaires occupés à faire fusiller leurs propres troupes ou à assassiner trotskistes ou anarchistes en trahissant l’élan de la révolution sociale. La seconde consiste à saluer ces brigadistes comme les derniers représentants d’une utopie communiste en train de sombrer dans la nuit stalinienne, des héros de la lutte antifasciste, - premiers engagés dans cet épisode préfigurant la seconde guerre mondiale.
Le documentaire se termine avec l’incarcération des derniers brigadistes en 1939, dans des camps d’internement français. Pour justifier son titre, le réalisateur aurait pu évoquer la répression féroce que subiront ses hommes aux Etats-Unis avec le maccarthysme, en Suisse, où on leur retirera la nationalité, en Tchécoslovaquie ou en Hongrie, où ils seront broyés dans des procès staliniens, en Pologne, où ils subiront de honteuses campagnes antisémites. Et leur rôle essentiel dans la résistance au nazisme, en France et ailleurs.