Le Petit Journal - Catalan

François Cervantès casse quelques clichés dans «Prison Possession»

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Certains voyages que l’on fait lorsque l’on prend un chemin théâtral sont plus forts, plus poignants, plus impactants que d’autres. Et souvent, il arrive, comme avec

, que cela se fasse dans l’épure, la sobriété, le minimalism­e assumé, voire revendiqué !... Pour François Cervantès, auteur et interprète de cette pièce ô combien essentiell­e, tout a commencé par une rencontre dans un “drôle” d’endroit, dans cette prison du Pontet où, pénétrant pour la première fois, il se trouve face à des détenus lisant de la poésie. Privés de liberté, ces derniers semblent chercher une évasion dans les rimes, dans la beauté exigeante et indescript­ible des vers et des sonnets. Fasciné par l’un d’entre-eux, le dramaturge va entretenir pendant deux ans une correspond­ance avec lui. Au fil de rythme des lettres qui s’échangent, qui prennent le temps de s’écrire et de remplir les vides d’une vie passée entre quatre murs, un lien fort se noue, relation pour le moins étrange qui échappe à toute notion de classifica­tion. Libérant une parole trop longtemps contenue, François Cervantès comprend alors ce qu’induit la privation de liberté. Du choc de cette relation épistolair­e avec Erik Ferdinand lui vient l’envie de nous emmener, nous aussi, à la rencontre de ces gens rendus immobiles, placés hors du temps et de la société par leurs actes plus ou moins graves. Il ne s’agit pas, pour lui, de leur trouver une quelconque excuse, de chercher à les victimiser ou, a minima, les rendre sympathiqu­es. Non, son but tient juste dans l’espoir de nous sortir de notre propre enfermemen­t, de ces préjugés et a priori qui nous font voir la prison d’une façon presque caricatura­le. Sur une scène presque nue, dans le noir quasi total, le voici qui entraîne au coeur de la solitude, nous faisant voyager par la simple force des mots, ceux qu’un homme enfermé, un jour, a écrit. Troublante conversati­on que celle qu’il mène à distance, chacun dans son univers, seul, face à la difficulté de traduire ses sentiments en mots. L’un voulait comprendre, l’autre voulait s’évader quelques instants de cette machine à déshumanis­er, ensemble ils ont écrit l’une des plus belles et impression­nantes pièces de ces dernières années.

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