La justice lève l'interdiction des corridas en Catalogne
La Cour constitutionnelle espagnole a annulé jeudi l'interdiction des corridas en vigueur depuis quatre ans en Catalogne, suscitant l'amertume des militants de la cause animale et la colère des indépendantistes catalans.
Il vous est interdit d'interdire ces spectacles, a en quelque sorte signifié la Cour aux élus catalans.
Les juges ont considéré que le pouvoir politique de cette région du nord-est avait "porté atteinte à la compétence de l'Etat en matière de préservation du patrimoine culturel commun dont font partie les corridas", selon le service de presse de la haute juridiction.
La corrida fait partie depuis 2015 du "patrimoine culturel immatériel" de l'Espagne, le pays qui l'a inventée.
L'interdiction des corridas, décidée en 2010 par le Parlement catalan, est entrée en vigueur le 1er janvier 2012.
La Catalogne est alors devenue la deuxième des 17 régions d'Espagne à bannir la tauromachie, après les îles Canaries en 1991.
Mais la question est aujourd'hui d'autant plus sensible qu'elle est politisée.
Le gouvernement indépendantiste catalan a refusé de baisser les bras : "Quoi qu'en dise la Cour constitutionnelle, il n'y aura plus de corridas en Catalogne", a assuré devant la presse le conseiller Josep Rull.
La Cour constitutionnelle avait été saisie par des élus du Parti populaire (PP, droite) au pouvoir en Espagne.
Comme en 2010 quand elle avait annulé une partie du nouveau "statut" de la Catalogne adopté en 2006, qui lui conférait une autonomie élargie. Depuis la fièvre indépendantiste n'a cessé de monter dans cette région de 7,5 millions d'habitants, gouvernée par les séparatistes.
La présidente du PP en Catalogne, Alicia Sanchez Camacho, s'est félicitée de la décision de la Cour: "nous continuerons à défendre la liberté et la fête nationale", at-elle écrit sur Twitter.
Serafin Marín, un des rares toreros catalans, s'est dit "très ému". "JUe ne suis plus un clandestin, je redeviens libre, la Catalogne n'a jamais cessé d'être taurine et maintenant plus que jamais", a assuré le matador de 33 ans, également sur Twitter.
Il faisait partie des toreros applaudis par des milliers d'aficionados lors de la dernière corrida en Catalogne, organisée le 25 septembre 2011 à Barcelone dans des arènes pleines à craquer.
'Souffrance du taureau '
Le débat sur la tauromachie a divisé et passionné la Catalogne et bien au-delà.
En 2013 le romancier sudafricain et prix Nobel de littérature J.M. Coetzee avait écrit aux députés espagnols que "torturer et assassiner des taureaux pour le simple spectacle appartient à l'Age sombre et non à l'Espagne du XXIe siècle".
Dans le camp des défen- seurs des animaux, la décision de la Cour constitutionnelle a été accueillie comme "un malheur" par la représentante du Parti animaliste contre la maltraitance des animaux (Pacma), Ana Bayle. "Le tribunal a utilisé les animaux dans une guerre politique", a-t-elle déploré.
'Sauver' la corrida
"La corrida est à bout de souffle et ce n'est pas un baroud d'honneur qui pourra la sauver", a renchéri en France la présidente de l’association Alliance Anticorrida, Claire Starozinski.
"Abolition de la tauromachie", avaient aussi crié des milliers d'Espagnols le 10 septembre dans les rues de Madrid.
Mais la tradition reste vive: 394 corridas ont été organisées en 2015 dans le pays, selon le ministère de la Culture.
Le Français Simon Casas, directeur des arènes de Madrid, s'est "réjoui" de la décision de la Cour : "La tauromachie est une culture, une histoire, un art qui fait partie de l'identité de certains peuples et il était totalement aberrant qu'une institution politique, le gouvernement catalan, ait pu l'interdire".
Une fondation pour la défense des taureaux de combat s'est créé en 2015. Elle assure que la tauromachie emploie directement ou indirectement quelque 200.000 personnes -