Les producteurs de comté voient la vie en rose
Il n’y a pas que des producteurs de lait inquiets pour leur avenir. Les exploitations familiales de l’AOP Comté, voient la vie en rose grâce au succès de leur fromage.
« Ici, on n’est pas producteur de lait, on est producteur de comté. » À Chilly-sur-Salins, sur le premier plateau du massif jurassien, à 500 mètres d’altitude, Mathias et Vincent Bouillet perpétuent la tradition familiale d’un élevage laitier dédié à la fabrication du comté. Les deux frères, âgés de 32 et 42 ans, sont loin d’être les seuls. Le village d’une centaine d’habitants ne compte pas moins de dix exploitations agricoles. Toutes laitières. « Il y a huit ans, on était cinq jeunes agriculteurs à s’installer, ici, en même temps ! », se souvient Vincent.
Rien de surprenant. Chilly-sur-Salins se trouve au coeur de la zone d’appellation d’origine protégée (AOP) du comté, qui s’étend sur le Jura, l’est du Doubs et une petite portion de l’Ain. Et, dans ce périmètre d’appellation de 2 300 km2 (l’équivalent d’un département comme les Yvelines), les 2 600 exploitations laitières vivent à l’abri des secousses des marchés mondiaux. La fin des quotas laitiers n’a pas entraîné de chute des prix. « Notre tonne de lait est actuellement payée 500 € », confie Mathias. Deux cents euros de plus que pour du lait « industriel ».
61 vaches montbéliardes
Les producteurs de comté ont fait le choix de la qualité sur la quantité. Le cahier des charges n’a cessé d’être renforcé, permettant aux élevages installés à 1 700 mètres d’altitude, de continuer d’exister face à l’industrialisation du secteur laitier. Une ferme d’appellation ne produit en moyenne que 270 000 litres de lait par an. « Il nous est interdit de dépasser 4 600 litres de lait par hectare », explique les deux frères Bouillet qui disposent d’un « droit à produire » de 470 000 litres de lait.
D’avril à début novembre, leur troupeau de 61 vaches montbéliardes va pâturer sur 75 ha de prairies riches en légumineuses, en traversant le village au bruit de leurs clochettes traditionnelles. Chaque montbéliarde ou simmental française (les deux races autorisées) doit disposer au minimum d’un hectare de pâturage. Une des conditions pour figurer dans l’appellation. Herbe et foin assurent l’essentiel de la ration quotidienne, complété l’hiver par quelques tourteaux de lin, tournesol ou colza. Mais pas d’aliment fermenté comme l’ensilage de maïs, trop problématique pour le lait cru.
400 litres de lait pour une meule
Dès le lendemain matin de la traite, le lait de Vincent et Mathias Bouillet, comme celui de 21 autres exploitations du secteur, est transformé au village par la fruitière (fromagerie) du plateau arboisien. À partir de 400 litres de lait cru, soit la traite quotidienne de 20 vaches, le maître fromager donne naissance à une meule de 40 kg. La fabrication d’une meule « à blanc » qui dure deux heures et demie, nécessite des ferments « maison ». Le fromage reflète la typicité du terroir. Le lait est obligatoirement collecté dans un rayon de 25 kilomètres autour de la fromagerie. Résultat : le territoire de l’appellation compte encore 150 fruitières, des petites coopératives contrôlées par les producteurs de lait eux-mêmes. Pas d’industriels, mais seize sociétés d’affinage.