QU’EN PENSENT LES OPTICIENS
Le projet du gouvernement de fournir des lunettes sans reste à charge prend forme.
La profession espère que cette réforme n’aboutira pas à un nivellement par le bas de l’offre.
Le remboursement des lunettes à 100 % sera-til un progrès pour tous les myopes et astigmates de la région ? Oui et non. « Ce sera un progrès pour les personnes qui n’ont pas besoin de verres avec des traitements spécifiques et qui n’ont pas une mutuelle qui les rembourse correctement », répond un opticien. « En revanche, ce ne sera pas forcément mieux pour ceux qui sont déjà bien remboursés », ajoute le professionnel.
Ce pourrait même être moins bien. « Le zéro reste à charge que souhaite le gouvernement peut nous conduire vers la généralisation d’une offre de base. C’est-àdire des lunettes sans fioriture, sans prestations particulières pour tous.»
Toutes les options du type filtre solaire ou anti-reflet risquent de devenir payantes alors qu’aujourd’hui, certaines mutuelles les prennent en charge. « Je prends l’exemple d’une association d’optique solidaire dont nous sommes membres. Nous avons négocié un accord avec Essilor pour pouvoir offrir des packs “verres et monture” à 160 euros. C’est ce genre d’offre, à l’avenir, qui pourrait donner droit à un remboursement à 100 %. »
Il ne faut pas s’attendre à pouvoir choisir des lunettes aux branches griffées du nom d’un grand couturier avec des verres dernière technologie et ne rien devoir payer. « Pour simplifier, tout le monde aura une Logan sur le nez au lieu d’avoir une Golf », lâche-t-il.
« On risque un nivellement vers le bas de l’offre car les mutuelles ne voudront pas rembourser davantage qu’elles ne le font aujourd’hui. À ce sujet, on voit bien que le passage à un remboursement tous les deux ans au lieu de tous les ans n’a abouti à aucune baisse de cotisation », poursuit-il.
Pour réussir à rembourser tout le monde sans dépenser plus, les mutuelles devront débourser de moins grosses sommes.
“Le règne des verres chinois mal adaptés”
Cette baisse probable du prix de revient des lunettes ne sera pas sans conséquence sur les revenus des opticiens, à une période où les enseignes commencent à être trop nombreuses. « Il est certain que si nous gagnons moins sur une paire de lunettes, nous serons obligés de réduire la masse salariale et de facturer certains services aujourd’hui gratuits. Il faut aussi s’attendre à des fermetures de magasins. Cela a déjà commencé », confie notre professionnel.
Aujourd ’hui, un client qui passe trente minutes dans la boutique, ou trois heures à cause de corrections compliquées, paie la même chose.
Ce ne sera peut-être plus le cas. « La profession est en plein virage. Il faut espérer que cette réforme ira vers la qualité et non vers le règne des verres chinois mal adaptés. À ce sujet, il faudrait davantage de trans- parence pour le consommateur. Qu’il sache qu’on lui offre trois ou quatre paires pour le prix d’une parce que ses verres et ses montures ne sont pas fabriqués en Europe. Qu’il puisse choisir en connaissance de cause », soulignent deux opticiens indépendants travaillant dans les Pyrénées-Orienrales. « Il faut savoir, par exemple, qu’Essilor fabrique aujourd’hui des verres progressifs qui ne nécessitent aucun temps d’adaptation pour l’oeil. Nous pouvons proposer le meilleur, ce serait dommage que le plus grand nombre n’en profite pas.»