Lafarge en Syrie: entendu comme témoin, Laurent Fabius plaide l'ignorance
"Je n'ai jamais été saisi d'une question concernant Lafarge": entendu comme témoin, l'ex-chef de la diplomatie Laurent Fabius a affirmé aux juges n'avoir rien su du maintien du cimentier en Syrie en pleine guerre au prix d'arrangements financiers avec des groupes armés comme l'organisation jihadiste EI.
A l'été 2013, alors que la diplomatie française s'active avec l'administration du président américain Obama pour faire tomber Bachar alAssad, Lafarge est alors la seule entreprise française encore présente en Syrie.
"Si la question est de déterminer si je savais ou non qu'il y avait une usine La- farge en Syrie, je n'ai pas de souvenir précis", a déclaré le ministre lors de cette audition le 20 juillet révélée par Le Monde.
"Je n'ai jamais été saisi d'une question concernant Lafarge, je suis catégorique", a martelé l'actuel président du Conseil constitutionnel devant les juges d'instruction Charlotte Bilger et David De Pas.
L'ONG Sherpa réclame depuis octobre 2017 l'audition de l'ancien ministre socialiste de 2012 à 2016 sous la présidence de François Hollande, au plus fort de la crise syrienne.
Depuis plusieurs mois, l'enquête soulève des questions sur ce que savaient ou non les autorités au sommet de l'Etat sur les agissements de Lafarge, mise en examen pour "financement d'une entreprise terroriste" et "complicité de crimes contre l'humanité".
L'ex-directeur de la sûreté de Lafarge, Jean-Claude Veillard, a relaté aux juges avoir transmis sans "aucun tri" des informations sur la situation sécuritaire dans la région aux services de renseignement français. Mais selon M. Fabius, aucune information de ce type n'est remontée jusqu'à lui.
Des cadres de la société ont affirmé que cette volonté de rester dans le pays en guerre avait reçu l'aval des autorités françaises.
L'ex-directeur général adjoint de Lafarge Christian Herrault avait affirmé que l'ex-ambassadeur de France en Syrie, Eric Chevallier, avait encouragé la société "à tenir", et ce lors de plusieurs rencontres au Quai d'Orsay ou d'entretiens téléphoniques, jusqu'à l'hiver 20132014, selon une source proche du dossier.
Lors d'une confrontation le 9 janvier, Eric Chevallier a rétorqué ne "pas avoir de souvenir de ces rencontres" avant de reconnaître finalement un entretien à l'été 2012 avec des dirigeants du cimentier, dans un courrier aux juges.