Le Petit Journal - Catalan

Vieilles dames indignes

- Alain Paga

Depuis toujours, notre amie Mathilde a l’habitude de faire ses courses, une fois par semaine, dans le même petit supermarch­é à côté de chez elle. Elle connaît tout le monde, du directeur jusqu’au vigile en passant par les caissières. Tout s’est déroulé pour le mieux, comme d’habitude, jusqu’au paiement. « Votre chèque ne passe pas. C’est peut-être la machine qui ne marche pas. Je vais voir ». De retour un long moment plus tard, elle était accompagné­e de la comptable qui la priait de la suivre dans son bureau. Pour lui annoncer qu’elle utilisait un chéquier volé et que la police avait été alertée. Assommée par l’émotion, Mathilde a dû s’asseoir. « Je ne comprends pas », répétait-elle en boucle jusqu’à l’arrivée de la police. « Je ne peux que vous prouver ma bonne foi. Voici mes papiers d’identité, vous pouvez constater qu’ils sont au même nom et adresse que mon chéquier. Je me serai volée moimême ? ». Le directeur alerté vint témoigner qu’il connaissai­t personnell­ement cette fidèle cliente et qu’il fallait interroger la banque — fermée à cette heure — pour tenter de comprendre. Que bien sûr il déposait pas plainte. Tout le monde était invité au commissari­at pour établir et signer un procès verbal. Pour ressortir trois heures plus tard avec l’engagement, pour Mathilde, de revenir le lendemain après avoir consulté sa banque. Qui ne trouva aucune explicatio­n au mystère (peut-être une erreur informatiq­ue) et leva l’interdicti­on après avoir établi une attestatio­n pour la police. De retour devant l’inspecteur, Mathilde osa une question : « Comment avez-vous pu me suspecter, à mon âge et avec ma mise plus que modeste ? » « Mais parce que les escrocs n’ont jamais l’air de ce qu’ils sont mais ressemblen­t à de braves et honnêtes personnes. Et que la délinquanc­e n’a rien à voir avec l’âge. Nous connaisson­s bien une dame très vieille et très honorable de la haute bourgeoisi­e qui souffre de kleptomani­e. Nous sommes souvent appelés pour la ramener chez elle après lui avoir fait la morale. Ce qui ne sert à rien. Vous lui donneriez le Bon Dieu sans confession ».

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