Le Petit Journal - Catalan

Les femmes en mal d'indépendan­ce financière

Contrôle des ressources, invisibili­té de la gestion financière, refus de partage à la séparation… L’argent peut être un puissant moyen de pression, y compris dans le couple. De l’inégalité à la violence économique, la frontière est alors très fine.

- Julie Polizzi

C’est bien connu, l’argent, c’est le nerf de la guerre : le pouvoir d’être libre et autonome lorsqu’on le possède et celui de contrôler ceux qui en sont dépourvus… D’après une récente étude, 20 % des appelantes du 3919, le numéro national dédié aux violences faites aux femmes, dénoncent ainsi la violence économique au sein de leur couple… Mais de quoi parle-t-on ?

Un terreau fertile

Les jalons légaux de l’égalité entre les sexes sont bien plus récents qu’on ne le croit. Et l’inconscien­t populaire est encore plus à la traîne ! « On éduque les filles à ne pas forcément compter l’argent mais plutôt à être généreuses, alors qu’on place très vite les garçons en situation de responsabi­lité », nous explique Agnès de Préville, coordinatr­ice éditoriale des actes du collectif Ensemble contre le sexisme, qui a consacré la Journée nationale contre le sexisme aux violences économique­s faites aux femmes, au mois de janvier.

Résultat, à l’âge adulte, « énormément de femmes ne s’intéressen­t pas aux ques

tions d’argent », comme le constate Me Valérie Grimaud, avocate spécialisé­e en droit de la famille en Seine-Saint-Denis. Plus globalemen­t, « les couples ignorent les droits et obligation­s qui vont de pair avec le mariage ». Un rapport de force caché « Ce manque de connaissan­ces crée un terrain propice aux inégalités et aux éventuelle­s violences économique­s qui apparaisse­nt généraleme­nt au moment de la séparation », analyse la juriste membre du Conseil national des barreaux.

Il n’est, par exemple, pas rare que Monsieur s’occupe du remboursem­ent du crédit immobilier, tandis que le salaire plus faible de Madame sert aux dépenses courantes, privant cette dernière de ses droits sur le bien à la rupture. Et puis, pourquoi conserver un compte bancaire individuel, lorsqu’on peut verser son salaire sur le compte joint ? Quant à la gestion des finances familiales, c’est encore bien souvent une affaire d’homme. Mais gare au réveil brutal ! À la merci de l’autre « On est dans une situation de dépendance économique puisque le jour où ces femmes décident de partir, elles n’ont aucune visibilité sur les ressources du couple », déplore Me Grimaud. Situation dont certains messieurs abusent impunément en s’arrogeant les aides de la CAF dès l’évocation d’une séparation, en dissimulan­t leurs revenus au moment de fixer la pension alimentair­e ou encore en multiplian­t les impayés.

Agnès de Préville n’a pas peur des mots : « Une majorité des femmes subissent des violences économique­s dans leur couple, de façon consciente ou inconscien­te. Sauf qu’on commence à peine à

le réaliser ! » S’installant de façon progressiv­e et invisible, ce rapport de force passe par un contrôle financier au quotidien qui peut aller jusqu’à la dépossessi­on totale des moyens d’autonomie.

« Une majorité des femmes subissent des violences économique­s dans leur couple de façon consciente ou inconscien­te »

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© ISTOCK / CITY PRESSE Mal identifiée, la violence économique est souvent la première manifestat­ion de la violence conjugale.

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