Le Petit Journal - Catalan

MAUVAISES HERBES

- Alain Paga

Depuis quelque temps, Mathilde était enchantée de voir une plante pousser courageuse­ment entre béton et brique, à côté de sa porte d’entrée, pour donner un peu de vie et de verdure à cette trop triste façade. Elle n’arrivait pas à définir de quelle espèce végétale il s’agissait et cela reste encore un mystère. Un figuier? Non, ce n’était pas un figuier !

C’est alors qu’elle a dû engager un combat qui semblait perdu d’avance, avec les différents balayeurs de sa rue. Il arrivait un moment où elle retrouvait sa plante devenue petit arbre, coupée au ras du sol. Jusqu’au jour où, en se précipitan­t au bruit du roulement de la carriole redoutée, elle surprit le coupable, avec l’objet du délit dans une main et son coupe-chou de l’autre. Elle entama alors les négociatio­ns et s’adoucit devant un repentir sincère. Les ordres venaient d’en haut et aucune verdure ne devait survivre dans les rues. Ensemble, ils mirent au point une stratégie afin que l’employé ne soit pas réprimandé.

Mathilde décida de donner la parole à la plante. Elle attendit qu’elle renaisse et grandisse à nouveau et elle installa une « bulle » de bande dessinée juste au-dessus d’elle. Le texte était : « Dans cet univers cruel, dur et indifféren­t de béton et de brique, je représente l’espoir fragile et improbable d’un monde où l’on protège ce qui vit et qui rend la vie plus belle. Vous, M. Propre de notre rue, vous pouvez y contribuer : merci de ne pas me couper. Bonne journée ! »

Mathilde ne s’attendait pas à toutes les réactions enthousias­tes de ses voisins. Ni des autres balayeurs. Jusqu’à maintenant cela fonctionne, même si cela risque de déplaire avec, pour conséquenc­e la destructio­n, une nouvelle fois.

Un seul habitant de la rue a été scandalisé et a déclaré que tolérer la présence des « mauvaises herbes » était la porte ouverte à tous les excès et débordemen­ts incontrôla­bles.

Mathilde a été ragaillard­ie par cette réflexion qui se voulait assassine. Elle s’est sentie encore plus solidaire de cette plante inconnue en se souvenant qu’il lui était souvent arrivé de se faire traiter de « mauvaise herbe » .

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